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Full text of "Les précordialgies : étude séméiologique sur les douleurs de la région du coeur"

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PRÉCORDIALGIES 

ÉTUDE  SÉMÉIOLOGIQUE 


LES  DOULEURS  DE  LA  RÉGION  DU  CŒUR 


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ÉTUDE  SÉMÉIOLOGIQUE 


LES  DOULEURS  DE  LA  RÉGION  DU  CŒUR 


PA  K 

Le  Paul  CHEVILLOT 

ANCIEN  EXTERNE  DES  HOPITAUX  DE  PARIS 


PARIS 

G.  STEINHEIL,  ÉDITEUR 

2,  rue  Casimir-Delavigne,  2 


1893 


LES  PRÉCORDIALGIES 

ETUDE  SÉMÉIOLOGIQUE  SUR  LES  DOULEURS  DE  LA  RÉGION  DU  CŒUR 


INTRODUCTION. 


Dans  une  leçon  clinique  qu’il  faisait  à l’hopilal  Bichat 
au  mois  de  novembre  1892,  M.  Huchard  donnait  le  nom 
de  précordialgie  à toute  douleur,  accompagnée  ou  non  d’an- 
goisse, survenant  dans  la  région  précordiale.  Après  avoir 
passé  en  revue  les  diverses  douleurs  qui  peuvent  affecter 
cette  région,  notre  excellent  maître  arrivait  à cette  conclu- 
sion : « En  général,  à de  rares  exceptions  près,  chaque 
fois  qu’un  malade  vient  se  plaindre  au  médecin,  d’une  dou- 
leur dans  la  région  cardiaque,  il  n’a  pas  d’affection  orga- 
nique du  cœur  ». 

Cette  leçon  clinique  qui  nous  avait  particulièrement  in- 
téressé fut  publiée  dans  la  Hernie  générale  de  clinique  et  de 
thérapeutique  (1),  et  dès  cet  instant  nous  résolûmes  d’étu- 
dier cette  question,  et  d’en  faire  l’objet  de  notre  thèse.  De- 
puis, nous  avons  toujours  exploré  avec  soin  la  sensibilité 
précordiale  chez  tous  les  malades  cardiaques  ou  nerveux 
qui  ont  été  l’objet  de  notre  examen.  Us  ne  nous  ont  point 

(1)  Revue  Qén.  de  clin,  et  delherap.,  1893,  p.  1. 


— 8 — 


manqué  dans  notre  service  de  l’hôpital  Bichal,  et  nous 
avons  résolu  d’exposer  le  résultat  de  nos  recherches  dans 
cette  étude  séméiologique. 

Les  douleurs  précordiales,  suivant  les  cas,  sont  dues  à 
des  causes  multiples  et  toutes  différentes  les  unes  des  au- 
tres ; elles  exposent  à de  fréquentes  erreurs  de  diagnostic, 
et,  par  conséquent,  point  capital,  à d’aussi  fréquentes  er- 
reurs de  thérapeutique  et  de  pronostic. 

Les  malades  qui  viennent  se  plaindre  de  douleurs  pro- 
prement dites, ou  simplement  de  sensations  pénibles  dans  la 
région  précordiale  sont  extrêmement  nombreux,  beaucoup 
plus  nombreux  que  ceux  qui  souffrent  de  la  région  thoraci- 
que correspondante  droite.  Si,  comme  nous  essayons  de  le 
démontrer,  ces  douleurs  sont  la  plupart  du  temps  dues  à 
l’arthritisme,  à une  lésion  pulmonaire  ou  pleurale,  et  sur- 
tout à un  état  névropathique,  on  peut  s’étonner  de  la  fré- 
quence des  localisations  à gauche,  de  leur  rareté  à droite, 
et  l’on  comprend  pourquoi  les  malades,  et  souvent  aussi 
les  médecins  songent  invinciblement  à établir  une  relation 
de  cause  à effet  avec  le  cœur. 

La  question  des  douleurs  précordiales,  étudiée  dans  tous 
les  ouvrages  de  pathologie  et  de  clinique  médicales,  a été 
magistralement  traitée  par  le  professeur  Peter  dans  les 
chapitres  sur  les  points  de  côté  (1)  ; cependant,  en  dehors  de 
quelques  questions  de  pathogéuie  sur  lesquelles  nous  n’in- 
sisterons pas,  M.  Peter  a assigné  à la  douleur  dans  les  ma- 
ladies de  cœur  certains  caractères  que  nous  n’avons  jamais 
rencontrés  chez  les  malades  soumis  à notre  observation. 


(1)  M.  Peter,  Clin,  médic.,  t.  I. 


— 9 — 


La  même  question  avait  été  étudiée  par  Bonneau  (1)  mais 
ce  travail  renferme  des  lacunes  ou  des  erreurs  que  nous 
essayons  de  combler  en  partie,  en  nous  servant  des  ouvra- 
ges qui  ont  été  publiés  depuis.  Dès  1879,  et  surtout  en  1883 
M.  Hucbard,  dans  ses  études  sur  les  angines  de  poitrine 
s’est  appliqué  à.  montrer  l’importance  de  l’étude  séméiolo- 
gique des  douleurs  précordiales. 

Plus  récemment  enfin,  MM.  G.  Sée  etNotbnagel  (en  Au- 
triche) ont  publié  sur  le  même  sujet  le  résultat  de  leurs 
observations. 

En  somme,  nous  croyons  pouvoir  dire  que  le  symptôme 
douleur  n’est  pas  propre  aux  maladies  du  cœur  ; que  les 
nerfs  du  cœur  ne  souffrent  pas,  et  que  la  douleur,  si  fré- 
quente de  la  région  précordiale,  est  due,  quand  elle  existe, 
soit  à l’artérite,  soit  à la  névralgie  ou  à la  névrite  des  nerls 
qui  avoisinent  le  cœur  : le  plus  souvent  nerfs  phrénique 
ou  intercostaux. 


Mais  au  moment  où  nous  achevons  nos  études  médica- 
les, notre  premier  devoir,  et  l’un  des  plus  doux,  est  de  re- 
mercier tous  nos  maîtres  des  hôpitaux  de  Paris  qui  nous 
ont  aidé  de  leurs  conseils  et  de  leur  haute  expérience  pen- 
dant le  temps  que  nous  avons  passé  auprès  d’eux. 

M.  le  D' H.  Iluchard  dont  nous  avons  eu  l’honneur  d’être 
l’élève  pendant  la  plus  grande  partie  de  nos  études  médicales, 
nous  a initié  à la  connaissance  des  maladies  du  cœur  et  à la 
thérapeutique  clinique.  Il  nous  pardonnera  de  ne  point  trou- 
ver de  termes  pour  le  remercier:  il  sait  quelle  reconnaissance 

(i)  Bonneau,  De  la  douleur  dans  les  maladies  ducœur,ih..  de  Paris,  1872. 


jO  — 


nous  lui  gardons  au  fond  du  cœur  pour  rinallérable  bonté 
et  l’amitié  qu’il  nous  a toujours  témoignées. 

Nous  avons  eu  également  la  bonne  fortune  etl’bonneur, 
pendant  notre  dernière  année  d’externat,  d’être  l’élève  de 
M,  le  Professeur  Terrier.  Sous  sa  direction  nous  avons  ap- 
pris la  pratique  de  la  chirurgie  antiseptique,  qui  nous 
sera  d’un  si  grand  secours,  et  nous  tenons  ainsi,  pour  le 
passé  comme  pour  l’avenir  à lui  exprimer  notre  respec- 
tueuse gratitude.  Sous  la  savante  direction  de  MM.  les 
D''®  Renault  et  ’d’Heilly,  nous  avons  appris  les  maladies  de 
la  peau  et  des  organes  génitaux  et  les  maladies  de  l’en- 
fance. La  sollicitude  de  ces  excellents  maîtres  s’est  éten- 
due au  delà  des  limites  du  temps  que  nous  avons  passé 
comme  externe  dans  leur  service  et  nous  tenons  à leur 
dire  que  nous  n’oublierons  jamais  leur  bienveillance  à no- 
tre égard. 

Nous  avons  reçu  de  MM.  Gouraud,  Hypp.  Martin,  Va- 
riot,  Schwartz,  Hartmann,  Walther  etDemelin  un  précieux 
enseignement  clinique  médical  ou  chirurgical,  et  nous 
avons  pu  étudier  les  accouchements  sous  la  haute  direc- 
tion de  M.  le  Professeur  Tarnier.  Nous  les  remercions  ici 
des  leçons  qu’ils  nous  ont  données. 

Collaborateur  de  \di  Revue  générale  de  Clinique  et  de  thé- 
rapeutique [Journal  des  Praticiens)  depuis  trois  ans,  nous 
avons  reçu  non  seulement  de  son  directeur,  mais  aussi  de 
son  rédacteur  en  chef,  M.  le  D’’  Eloy,  ancien  interne  des 
hôpitaux,  des  témoignages  d’atléctueuse  bienveillance 


pour  lesquels  nous  avonsje  devoir  el  le  plaisir  à la  fois, 
d’exprimer  notre  vive  et  sincère  gratitude. 

Nous  n’oublierons  pas  non  plus  nos  maîtres  et  amis  de 
l’hôpital  Bichat,  MM.  les  D”  Weber,  Péraire,  et  Guille- 
main  qui  nous  ont  toujours  aidé  si  obligeamment  de  leurs 
précieux  conseils. 

Nous  prions  Monsieur  le  professeur  Laboulbène,  prési- 
dent de  l’Académie  de  médecine,  d’agréer  l’expression  de 
notre  respectueuse  reconnaissance  pour  l’honneur  qu’il  a 
bien  voulu  nous  faire  en  acceptant  la  présidence  de  notre 
thèse. 


CHAPITRE  PREMIER 


De  la  douleur  en  général.  — Classification  des 
précordialgies. 


Avant  d’établir  le  plan  de  notre  travail,  et  d’essayer  de 
classer  les  diverses  précordialgies,  il  nous  paraît  indispen- 
sable de  dire  quelques  mots  de  là  douleur  en  général,  et 
des  diverses  formes  qu’elle  peut  revêtir. 

Bien  qu’il  semble  inutile  de  donner  la  définition  d’un 
mot  dont  chacun  connaît  le  sens,  et  que  tous,  comme  dit 
Gerdy,  connaissent  par  expérience,  si  nous  voulons  définir 
la  douleur,  nous  rappellerons  ce  qu’a  dit  à ce  sujet  M.  Ch. 
Eloy  dans  un  très  remarquable  article  (1). 

« La  douleur,  dit-il,  consistant  à la  fois  dans  une  im- 
pression, une  sensation  et  une  perception,  la  définition 
suivante  me  paraît  à coup  sûr  la  plus  acceptable  : 

« La  douleur  est  toute  sensation  pénible  perçue  par  les 
centres  nerveux,  mais  variée  dans  ses  modalités,  ses  effets 
et  ses  causes  ». 

« Au  point  de  vue  physiologique,  ajoute-t-il,  c’est  une 
modalité  anormale  de  la  sensibilité  ; elle  consiste  dans  un 
trouble  de  la  cénesthésie. 

« Cliniquement,  pour  l’économie  vivante,  la  douleur  ré- 

(1)  Ch.  Eloy,  Art.  Douleur,  Diction,  encyclopédique  des  sciences  médi- 
cales. 


14 


vêle  une  olîense  de  l’innervation  sensitive,  c’est  l’appel  au 
secours  de  l’organisme  » . 

« Le  mécanisme  de  la  douleur,  dit  encore  le  même  au- 
teur auquel  nous  faisons  de  si  larges  emprunts,  rentre, 
pour  ainsi  parler,  dans  la  formule  générale  du  système  sen- 
sitif, et  le  schéma  anatomique  de  ses  phénomènes,  est 
constitué  : 

« 1“  A la  périphérie  par  des  organes  récepteurs  des  im- 
pressions pénibles  ou  désagréables; 

« 2“  Par  des  nerfs  servant  à transmettre  les  impressions 
aux  centres  après  leur  trajet  dans  un  ganglion  nerveux  ; 

« 3°  Par  l’axe  gris  de  la  moelle,  laissant  passer  ces  im- 
pressions ou  bien  les  retenant  (action  réflexe)  ; 

« 4®  Par  les  fibres  nerveuses,  les  conduisant  à travers  la 
protubérance  ; 

« 5“  Par  les  cellules  cérébrales  hémisphériques,  orga- 
nes de  perfectionnement  delà  sensation  et  siège  de  la  per- 
ception ou  du  sentiment  de  la  douleur,  auquel  cas  il  exis- 
terait une  zone  sensitive  ». 

Les  explications  théoriques  de  la  nature  de  la  douleur 
ne  satisfont  pas  complètement.  Aussi  n’y  insistons-nous 
point. 

Au  point  de  vue  clinique,  la  douleur  peut  revêtir  les  for- 
mes les  plus  variées,  suivant  la  cause  qui  la  produit,  et  sur- 
tout suivant  les  malades.  Elle  (peut  se  présenter  avec  le 
type  continu,  avec  ou  sans  exacerbation,  avec  le  type  in- 
termittent, régulier  ou  non. 

Ses  caractères  sont  encore  bien  plus  variables,  et,  sui- 
vant les  sensations  des  malades,  les  noms  les  plus  divers 
lui  ont  été  donnés.  On  la  dit  lancinante,  — pongitive,  — 


— 15  — 

contiisivo,  — cuisante,  — brûlante,  — gravative,  — an- 
goissante, etc.,  etc. 

Elle  peut  enfin  être  soit  spontanée,  soit  provoquée  par 
l’effort  ou  la  pression. 

Les  effets  de  la  douleur  sont  également  variables,  sui- 
vant son  intensité  et  sa  durée.  Elle  peut  passer  inaperçue, 
ou  déterminer  divers  accidents  sympathiques,  vomisse- 
ments, convulsions,  et  même  elle  peut  par  elle  seule  ame- 
ner la  mort. 

« La  douleur  peut  causer  la  mort  par  syncope,  inhibi- 
tion des  activités  fonctionnelles,  ou  par  épuisement  ner- 
veux. En  effet  le  mécanisme  de  la  mort  par  la  douleur  est 
loin  d’être  unique,  et,  dans  une  même  maladie,  elle  peut 
la  provoquer  différemment  ».  (Ch.  Eloy). 


Il  est  encore  un  autre  phénomène  fréquent  dans  les  af- 
fections du  cœur  et  des  vaisseaux,  dont  nous  aurons  à cha- 
que instant  à parler,  et  qu’il  est  nécessaire  de  distinguer 
de  la  douleur  proprement  dite  ; je  veux  parler  de  l’angois- 
se. L'angoisse  et  la  douleur  sont  deux  choses  tout  à fait 
distinctes,  pouvant  exister  simultanément,  mais  pouvant 
de  même  se  montrer  l’une  sans  l’autre,  et  tout  à fait  in- 
dépendantes l’une  de  l’autre. 

L’angoisse  peut  être  définie  « une  sensation  de  mort  im- 
minente, avec  la  crainte  qu’elle  inspire  ».  Elsner  l’appelle 
une  pause  de  la  vie. 

M.  Huchard,  pour  se  faire  comprendre  des  malades  lors- 
qu’il les  interroge,  s’ex[)rime  de  la  manière  suivante  : 

« On  vous  marche  fortement  sur  le  pied,  de  façon  à l’é- 


— i(i 


craser,  vous  ressentez  une  vive  soiiflrancc  ; mais  il  ne  vous 
viendra  pas  à l’idée  que  vous  pouvez  en  mourir.  La  dou- 
leur que  vous  ressentez  dans  la  poitrine  peut  être  beaucoup 
moins  vive,  et  cependant  ne  vous  donne-t-elle  pas  l’idée 
et  la  crainte  de  la  mort  ? Quand  je  dis  crainte  delà  mort, 
je  ne  prétends  pas  que  vous  ayez  peur  de  mourir.  Il  n’est 
pas  question  ici  de  courage,  il  s’agit  de  savoir  si  l’accès 
s’accompagne  toujours  ou  presque  toujours  de  cette  an- 
goisse caractéristique  qui  nous  fait  inconsciemment  pen- 
ser : Si  cette  douleur  persiste  encore,  j’en  mourrai  ». 

Cet  interrogatoire  définit  l’angoisse  mieux  que  ne  sau- 
raient le  faire  tous  les  termes  scientifiques. 

L’angoisse  et  la  douleur  sont  donc  deux  phénomènes 
absolument  distincts,  et  peuvent  exister  l’un  sans  l’autre. 
On  peut  avoir  beaucoup  de  douleur  avec  peu  ou  pas  d’an- 
goisse, comme  beaucoup  d’angoisse  avec  peu  ou-  pas  de 
douleur.  Ces  deux  termes  ne  sont  donc  pas  synonymes, 
et  l’intensité  de  l’un  de  ces  symptômes  n’est  pas  propor- 
tionnelle avec  l’intensité  de  l’autre. 


Nous  n’essaierons  pas  d’expliquer  la  pathogénie  de  la 
douleur  dans  les  affections  cardiaques  quand  elle  existe  ; 
les  opinions  sont  encore  très  controversées  à cet  égard. 
Le  cœur  est-il  sensible?  Le  péricarde  lui-même  est-il  sen- 
sible? 

« Le  cœur,  dit  Longet,  peut  être  le  siège  de  douleurs  vi- 
ves, comme  cela  s’observe  pour  d’autres  viscères  de  la  vie 
organique  insensibles  à l’état  normal  ». 

D’autres  physiologistes,  se  fondant  sur  ce  fait  que  le 


17 


cœur  a pu  être  pincé  et  tenaillé  sans  provoquer  de  douleur, 
en  ont  conclu  que  dans  l’état  ptithologique,  il  ne  peut  être 
douloureux. 

Malgré  les  recherches  récentes  de  Hisset  de  Ilomberg,  il 
faut  bien  avouer  que  nous  sommes  dans  une  ignorance 
presque  complète  en  ce  qui  regarde  la  pathologie  delà  dou- 
leur du  cœur. 

Il  en  est  de  même  du  péricarde,  bien  que  les  recherches 
de  Bochefontaine  et  Bourceret  aient  jeté  un  peu  de  lu- 
mière sur  ce  point. 

Ils  ont  démontré  en  effet,  contrairement  à l’opinion  de 
Bouillaud,  que  le  péricarde  à l’état  normal  et  surtout  à l’é- 
tat pathologique  possède  une  sensibilité  propre,  principa- 
lement sur  la  face  externe  (1  ). 

Ce  qui  prouve  bien  que  la  question  est  encore  obscure, 
que  les  précordialgies  n’ont  pas  encore  été  complètement 
étudiées,  c’est  que  dans  un  ouvrage  assez  important  Spehl 
ne  leur  consacre  que  ces  lignes  (2)  : 

d)  « Région  précordiale  ; palpitations,  oppressions  etc. 
Examiner  le  cœur. 

h)  Douleur  rétro-sternale  ; examiner  le  cœur  et  les  vais- 
seaux. Parfois  douleur  provoquée  parla  toux. 

c)  Lorsque  la  douleur  dans  ces  deux  régions  est  très 
vive  et  subite,  avec  angoisse  extrême,  angine  de  poitrine. 

d)  Point  douloureux  fixe  dans  le  voisinage  d’un  des  deux 
mamelons,  accompagné  de  fièvre  et  de  toux  pénible;  pleu- 
résie ou  pneumonie. 

(1)  Académie  des  sciences,  il  décembre  1877. 

(2)  Spehl,  Exploration  clinique  et  diagnostic  médical,  Bruxelles,  1892. 

Chevillot  2 


t 

— 18  — 

e)  Douleur  dans  le  côté  sans  fièvre  ni  toux  : pleurodynie. 

/‘j  Douleur  le  long  des  côtés  : névralgie  intercostale.  ,'i 
ÿ)  Douleur  dans  les  épaules  (fosse  sus-épineuse,  triangle 
sus-claviculaire,  région  sous-claviculaire);  ou  douleur  in-  ;.j 
terscapulaire.  Examiner  s’il  n’y  a point  de  lésion  du  som-  r‘ 

J J* 

met.  ; 

h)  Douleur  vers  l’angle  inférieur  de  l’omoplate  gauche  ■ 
coïncidant  avec  douleur  épigastrique  : affection  de  l’esto- 
mac, ulcère.» 

C’est  ainsi  qu’il  résume  toutes  les  précordialgies.  Sa  ,i 
classification  est  exacte,  mais  insuffisante. 

* 

¥ H- 

Nous  avons  dit  que  les  douleurs  pouvaient  être  sponta-  , 
nées  ou  provoquées.  C’est  ainsi  que  nous  nous  proposons 
de  différencier  les  douleurs  de  la  région  du  cœur.  ^ 

Mais  il  est  bien  entendu  que  notre  classification  néces- 
sitée par  le  besoin  d’un  plan  dans  notre  travail,  n’a  rien 
d’absolu,  comme  du  reste  toutes  les  classifications.  En 
effet  il  est  souvent  impossible  de  ranger  dans  une  même 
classe  tous  les  types  cliniques  d’une  même  affection.  Rien 
n’est  plus  variable  que  la  douleur,  suivant  les  tempéra-  '( 
ments  et  suivant  les  lésions  qui  la  provoquent.  11  est  bien 
certain  qu’en  clinique  il  n’est  pas  possible  d’établir  une 
division  nette,  qu’il  y a un  grand  nombre  de  faits  que 
nous  pourrons  appeler  faits  de  transition  qui  peuvent  se 
rattacher  aussi  bien  à un  type  qu’à  un  autre,  et  que,  com- 
me le  disait  un  de  nos  maîtres,  M.  Brocq,  au  sujet  des  | 
dermatoses,  il  est  impossible  de  ranger  toutes  les  observa-  i 
•tions  dans  des  cadres  théoriquement  constitués.  « On  doit  I \ 


‘ iii 


lu  -• 


mouler  les  conceplions  paUiogéuiques  sur  les  laits,  et  non 
les  faits  sur  les  conceptions  pathogéniques,  x 

La  classification  que  nous  proposons  nous  a semblé  la 
plus  commode,  parce  qu’elle  nous  paraît  pouvoir  enfermer 
la  généralité  des  faits.  Les  cas  hybrides  sont  heureusement 
les  plus  rares  : ils  sont  aussi  les  plus  difficiles  à diagnosti- 
quer. 

Cette  restriction  faite,  nous  avons  cru  pouvoir  diviser 
les  douleurs  de  la  région  du  cœur  en  trois  classes. 

Douleur  d'effort.  — Cette  douleur  toujours  provo- 
quée par  un  effort  ou  un  mouvement  brusque,  comparable 
a la  « dyspnée  d’effort  » a pour  caractère  de  ne  pas  être 
produite  ou  augmentée  par  la  pression.  C’est -la  douleur 
de  l’angine  de  poitrine  vraie  ou  coronarienne. 

2°  Douleurs  provoquées  et  augmentant  par  la  pression. 
— C’est  la  douleur  des  névralgies  phrénique  ou  diaphrag- 
matique, et  intercostale,  de  la  pleurodynie,  de  la  cardiody- 
nie, de  toutes  les  affections  nerveuses  en  un  mot,  qui  peu- 
vent simuler  une  affection  du  cœur,  et  de  la  péricardite. 

3°  Douleurs  spontanées.,  insensibles  à la  pression  et  pou- 
vant survenir  sans  cause  occasionnelle,  sans  être  produi- 
tes j)ar  un  effort.  Ce  sont  les  douleurs  des  pseudo-angines 
de  poitrine  (cardiacalgies  de  G.  Sée),  et  enfin  des  algies 
centrales  des  neurasthéniques. 


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1. 

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CHAPITRE  II 


Douleurs  d’effort. 


ANGINE  DE  POITRINE. 

Dans  son  mémoire  de  1883,  et  plus  tard,  dans  son  traité 
des  maladies  du  cœur  et  des  vaisseaux,  M.  Huchard  a con- 
firmé par  de  nombreuses  observations  une  opinion  déjà 
défendue  autrefois  parParry  et  HunleVàla  fin  du  siècle  der- 
nier, puis  par  Potain,  et  G.  Sée,  à savoir  que  l’angine  de 
poitrine  est  due  à une  altération  de  l’aorte  et  surtout  des 
artères  coronaires,  ainsi  qu’à  toutes  les  lésions  capables  de 
déterminer  l’ischémie  cardiaque. 

L’angine  de  poitrine  n’est  donc  pas  une  maladie:  c’est 
un'syndrôme  que  l’on  peut  trouver  au  cours  de  nombre 
de  maladies  du  cœur  : myocardites  aiguës  et  chroniques, 
aortites  aiguës  et  chroniques  etc. 

L’artério-sclérose,  maladie  générale  due  à l’endocardite 
oblitérante  des  petits  vaisseaux,  joue  le  rôle  le  plus  impor- 
tant dans  la  production  des  accès  angineux,  accès  que  nous 
pouvons  décrire  de  la  façon  suivante,  en  reproduisant  le 
tableau  clinique  qu’en  a donné  M.  Huchard. 

« Un  malade  bien  portant,  il  y a quelques  secondes, 
éprouve  tout  àcoup,  sous  l’influence  d’une  émotion,  d’une 
marche  un  peu  précipitée,  d’un  simple  effort,  et  quelquefois 
du  travail  de  la  digestion, une  douleur  violente  qu’il  accuse 


— 22 


dans  la  région  du  cœur,  le  plus  souvent  sous  le  sternum, 
et  qu’il  compare  à un  étau,  à des  grilles  de  fer,  ùuneconsT 
triction  énorme  de  la  poitrine.  Il  s’arrête  sous  le  poids  de 
cette  horrible  souffrance  qu’accompagne  une  sensation 
d’angoisse  indicible,  un  sentiment  de  péril  imminent  et  de 
fin  prochaine.  La  face,  qui  exprime  l’anxiétéla  plus  grande, 
devient  pâle,  les  extrémités  se  refroidissent,  et  le  malade 
immobile  et  altéré  par  cette  agonie  de  souffrances,  attend 
avec  effroi  que  prennent  fin  cette  pause  mystérieuse,  cette 
défaillance  momentanée  de  la  vie.  En  quelques  secondes, 
en  quelques  minutes,  l’orage  passe,  la  douleur  angoissante 
a disparu  ; mais  l'accès  terminé  laisse,  pour  longtemps 
encore,  dans  le  souvenir  une  terrifiante  impression  ». 

Le  caractère  angoissant  de  la  douleur  est  pathognomo- 
nique de  l’angine  de  poitrine. 

« Le  siège  de  la  douleur,  dit  encore  M.  Hucbard,  est 
rapporté  le  plus  souvent  en  arrière  du  sternum,  à gauche, 
à l’union  du  tiers  supérieur  de  cet  os  avec  le  tiers  mo^en  ; 
elle  se  montre  aussi  souvent  à son  bord  droit,  mais  elle  est 
surtout  sous-sternale,  d’où  le  nom  de  sternalgie  donné 
par  Baumes  à ce  syndrome.  Parfois  elle  commence  à la 
partie  inférieure  ou  moyenne  du  sternum  (J.  Blackall)  ; 
elle  peut  être  rapportée  aussi  au  creux  de  l’estomac,  com- 
me Butter  l’avait  déjà  remarqué,  et  comme  j"en  ai  vu  des 
exemples  assez  nombreux.  Plus  rarement  elle  commence 
vers  la  pointe  du  cœur,  au  niveau  de  la  quatrième  ou  cin- 
quième côte;  enfin,  au  lieu  d’avoir  un  début  central,  elle 
peut  avoir  un  début  périphérique,  commencer  par  le  bras, 
les  épaules  et  la  face. 

Les  malades,  pour  exprimer  les  caractères  de  celte  dou- 


23  — 


Sieur,  emploient  plusieurs  expressions  qui  se  ressemblent 

presque  toutes.  Le  plus  souvent  ils  la  comparent  à un 

S"'  étau,  à une  étreinte,  à un  poids  énorme,  à une  forle-éom- 
*•<  ■ 

pression  tendant  à rapprocher  violemment  la  paroi  tlio- 
; racique  de  la  colonne  vertébrale,  à des  mains  et  à des 
[ : grilles  de  fer,  aune  sensation  de  constriction  thoracique, 
/ de  ceinture,  d’un  cercle  de  fer  ou  de  cordes,  de  plastron 
de  plomb,  de  pieu  traversant  la  poitrine,  d’enfoncement, 
; d’écrasement  du  sternum,  de  broiement,  de  déchirure,  de 
, crampe  violente,  de  resserrement  des  parois  thoraciques, 

■ d’un  fer  ou  d’un  poignard  traversant  la  poitrine  de  part  en 
, part.  Cette  douleur  est  angoissante,  pongitive,  et  surtout 
’ constrictive.  Ce  sont  là  ses  caractères  les  plus  imposants 
: ' qui  la  distinguent  le  plus  souvent  des  autres  douleurs  tho- 
: ■ raciques.  D’autres,  moins  nombreux,  éprouvent  une  sen- 
; salion  de  chaleur  ou  de  feu,  et  l’un  des  malades  de  Jurine(l) 
se  plaignait  d’un  bouillonnement  qui,  du  creux  de  l’esto- 
mac,  semblait  remonter  vers  la  poitrine. 

Mais  un  caractère  extrêmement  important  de  l’angine 
vraie,  consiste  dans  sa  provocation  par  l’effort,  le  mouve- 
ment avec  marche  précipitée  et  contre  le  vent.  Lorsque  les 
accès  surviennent  spontanément,  ils  sont  le  plus  souvent 
nocturnes,  et  sont  alors  remarquables  par  leur  intensité 
plus  grande,  et  leur  plus  longue  durée.  Mais  le  fait  de  leur 
provocation  par  l’effort  est  le  plus  souvent  un  indice  suf- 
fisant qui  permet  de  distinguer  une  angine  vraie  d’une 
pseudo-angine, 

s 

Les  irradiations  douloureuses  sont,  par  ordre  de  fré- 
quence : 

(1)  JuRi.NE,  Mémoire  sur  l’angine  de  poitrine,  Paris  et  Genève,  1815. 


% 


24 


i L es  membres  supérieurs,  el  surtout  le  bras  gauche, 
comme  nous  venons  de  le  démontrer  ; 

2"  Vers  le  plexus  cervical  et  les  parties  avoisinantes,  dou- 
leurs au  cou  sur  le  trajet  du  plexus  cervical,  à la  face,  à la 
langue,  (Trousseau),  au  menton,  à l’oreille,  (Butter,  Wich- 
maun,  Gauthier),  à l’arliculation  temporo-maxillaire  où 
elles  déterminent  une  sorte  de  trismus,  à la  nuque  ; 

3°  Vers  les  branches  extra-cardiaques  du  pneumogastri- 
que, à la  gorge,  au  larynx,  à l’œsophage,  à l’estomac  et  au 
foie_,  etc.,  causant  alors  de  l’aphonie,  une  sensation  de 
constriction  et  de  fausse  boule  hystérique,  une  sensation 
de  chaleur  à la  région  épigastrique,  des  nausées,  des  éruc- 
tations, des  vomissements,  une  distension  gazeuse  consi- 
dérable, des  douleurs  à l’hypocondre  droit,  pouvant  simu- 
ler des  coliques  hépatiques  ; 

4°  Vers  les  nerfs  intercostaux  et  diaphragmatiques  : dou- 
leurs au  cou  entre  .les  scalènes  et  sur  le  trajet  des  nerfs 
phréniques,  à la  base  du  thorax,  d’où  la  sensation  de  cons- 
triction ; aux  apophyses  épineuses  des  vertèbres,  aux  es- 
paces intercostaux,  aux  mamelons,  d’où  la  douleur  cons- 
trictive en  travers  de  la  poitrine  signalée  par  Folhergill,  et 
l’hyperesthésie  des  régions  mammaires  constatée  parLaen- 
nec. 

5°  Vers  la  région  hypogastrique  (Blakall),  vers  le  tes- 
ticule avec  gonflement  inflammatoire  de  cet  organe  (Hoff- 
mann, Laennec,  Gintrac),  ou  névralgie  ilio-scrotale  (Axeii- 
feld),  aux  cuisses  étaux  membres  inférieurs  (Friedreich)  ». 

Les  accès  peuvent  dans  certains  cas  se  succéder  sans  in- 
terruption, et  constituer  ce  que  M.  Huchard  a désigné  sous 


— 25  — 

le  nom  « d’état  de  mal  angineux  » (accès  répétés,  imbri- 
qués et  subintrants). 

Les  malades,  sous  rinfluence  de  cette  douleur  intense, 
prennent  ordinairement  une  attitude  particulière.  Comme 
la  douleur  les  surprend  le  plus  souvent  pendant  la  marche, 
ils  s’arrêtent  en  portant  la  main  à la  région  précordiale  et 
en  rejetant  la  tête  en  arrière.  Ils  peuvent  prendre  alors 
les  positions  les  plus  variées  pour  attendre  la  fin  de  l’ac- 
cès dans  l’attitude  qui  leur  est  le  plus  commode^ 

En  résumé  l’angine  de  poitrine  est  caractérisée  par  ces 
trois  grands  symptômes  subjectifs,  V angoisse^  la  douleur^ 
et  la  pâleur  de  la  face. 

Les  accès  sont  toujours  provoqués  par  un  effort  (par 
la  marche,  l’action  de  se  baisser,  de  monter  un  escalier, 
etc.).  Il  faut  faire  toutefois  une  exception  pour  les  accès 
nocturnes,  qui  sont  remarquables  par  \q\xv  spontanéité leur 
intensité  et  leur  durée  (Heberden,  Hucliard).  Ce  phénomè- 
ne peut  se  rapporter  à la  position  couchée  qu’occupent 
alors  les  malades. 

A côté  de  ces  accès  typiques  d’angine  de  poitrine  carac- 
térisés, comme  nous  l’avons  dit,  surtout  parle  mélange  de 
douleur  et  d’angoisse,  nous  devons  mentionner  les  accès 
frustes  à'  angorpectoris  dont  Jurine, Peter,  et  sur  tout  M.  Hu- 
chard  ont  rapporté  de  si  remarquables  exemples. 

Il  peut  arriver  en  effet  que  l’on  ne  constate  pas  pendant 
la  vie  du  malade  les  signes  habituels  de  l’angine  de  poitri- 
ne avec  douleur  franchement  sous-sternale,  avec  irradia- 
tions aux  membres  supérieurs  et  angoisse  caractéristique. 
M.  Ilucbardfait  remarquer  (1)  que  « l’histoire  clinique  de 

(L  Journal  de  médecine  et  de  chirurgie  pratiques,  1887. 


— 20  — 


r^uigiiic  de  poitrine  a été  trop  dramatisée  et  qu’elle  ne  se 
manifeste  pas  toujours  avec  son  cortège  symptomatique 
iiu  complet.  L’angoisse  peut  faire  défaut,  ce  qui  est  le  cas 
le  plus  rare,  ou  encore  l’angoisse,  existe  seule  sans  douleur; 
souvent  l’accès  se  borne  à une  sensation  de  resserrement 
ou  de  poids  au  niveau  du  sternum  sans  irradiation  aux 
membres  supérieurs  ou  ailleurs  ; parfois  môme  la  douleur 
commence  et  reste  périphérique,  et  c’est  ainsi  que  l’on 
peut  citer  des  cas  où  les  accès  angineux  sont  constitués 
par  une  sensation  de  resserrement  au  coude  ou  au  poignet 
coïncidant  avec  un  sentiment  d’angoisse  sans  douleur  au 
niveau  de  la  région  sous-sternale  ; d’autres  fois,  c’est  le 
siège  de  la  douleur  qui  est  différent,  il  existe  soit  à gauche 
du  sternum,  soit  derrière  cet  os,  soit  encore,  mais  plus  ra- 
rement, à la  partie  moyenne  du  cœur  ; d’autres  fois  encore 
la  sternalgie  angineuse,  au  lieu  d’être  supérieure,  est  à la 
partie  inférieure  du  sternum  au  niveau  de  l’appendice  xi- 
phoïde,  où  elle  peut  en  imposerpour  l’existence  d’une  gas- 
tralgie ou  d’une  affection  de  l’estomac,  surtout  lorsque  ces 
accès  de  sténocardie  fruste  ou  larvée  présentent  leurs  pa- 
roxysmes après  les  repas,  comme  cela  se  voit  chez  pres- 
que tous  les  angineux.  Il  est  certain  que  de  fréquentes  er- 
reurs de  diagnostic  ont  été  ainsi  faites,  qu’on  a conclu  trop 
facilement  à l’absence  d’attaques  franchement  angineuses, 
chez  des  malades  qui  avaient  de  ces  accès  pseudo-gastral- 
giques pendant  la  vie,  et  qui  ont  présenté  à l’autopsie  des 
lésions  plus  ou  moins  avancées  des  coronaires  : il  est  cer- 
tain encore  qu’on  a très  souvent  attribué  à l’existence  d’une 
vraie  gastralgie  ces  accès  à'anijor  pectoris  à siège  épigastri- 
que^  comme  on  attribuait  autrefois  toujours  à la  gastral- 


gie,  soit  les  crises  gastriques  du  tabes  dorsal,  soit  les  dou- 
leurs pseudo-gastralgiques  de  la  lithiase  biliaire  ». 

C’est  ainsi  qu’il  y a plus  de  quinze  ans,  deux  auteurs  an- 
glais, Leared  etBroadbent,  avaient  cité  un  certain  nombre 
d’observations  de  morts  subites  survenues  chez  des  aorti- 
ques ayant  soutîert  pendant  la  vie  de  douleurs  gastriques. 
Poiir.M.  Iluchard,  ces  malades  ont  succombé  à une  angine 
de  poitrine  « à siège  épigastrique  »,  et  la  mort  subite  n’é- 
tait attribuable  qu’à  l’ischémie  cardiaque  par  sclérose  des 
coronaires  comme  pour  le  cas  précédent. 

Enfin  Tangor,  dans  ses  formes  anormales,  peut  revêtir 
le  type  pulmonaire,  et  s’accompagner  de  dyspnée  et  de  con- 
gestion du  poumon.  M.  Huchard,  qui  en  rapporte  un  cas 
intéressant  (1),  a aussi  étudié  cette  forme  dans  laquelle  la 
douleur  irradiée  peut  faire  défaut,  où  la  douleur  rétro- 
sternale est  absente,  et  où  les  malades  n’éprouvent  que  la 
sensation  d’angoisse,  d’état  syncopal  et  de  suffocation. 

M.  Peter  reconnaît  qu’il  existe  un  type  dyspnéique  de 
l’angor.  Laennec  avait  admis  qu’il  peut  y avoir  douleur 
dans  les  poumons  et  le  cœur,  à la  fois  névralgie  cardiaque 
et  pulmonaire. 

Cahen,  qui  regard  l’angor  pectoris  comme  une  névrose 
vaso-motrice  des  organes  de  la  poitrine  cite  une  observa- 
tion d’angine  avec  dyspnée  suivie  d’une  hémoptysie  qui 
dura  20  jours.  Les  observations  sont  nombreuses  aussi 
dans  lesquelles  les  accès  d’angine  de  poitrine  s’accompa- 
gnent de  symptômes  gastriques  violents  (accès  de  gas- 
tralgie intense,  dilatation  de  l’estomac,  vomissements,  vo- 


(1)  Hüchard,  Angine  de  poitrine  cardiaque  et  pulmonaire,  1879,  p.  12. 


— 28 


miturilions,  tympanite,  douleurs  vives  dans  la  région  du 
foie  ressemblant  à des  coliques  hépatiques,  etc.). 

La  mort  même  peut  survenir,  dans  l’angine  de  poitrine 
la  mieux  caractérisée,  au  milieu  d’un  accès  constitué  uni- 
quement par  une  syncope  (syncope  angineuse  de  Parry). 

Pour  résumer  cette  longue  description,  nous  n’avons 
qu’à  énoncer  les  trois  lois  cliniques  que  M.  Huchard  a as- 
signées au  syndrome  angineux^  et  qui,  nous  disait-il  dans 
sa  leçon  sur  les préc07'clialgies,  « ne  l’ont,  pour  ainsi  par- 
ler, jamais  trompé  dans  près  de  six  cents  cas  soumis  à son 
observation  ». 

i°  Toute  angine  de  poitrine  produite  par  un  effort  quel- 
conque, est  une  angine  vraie. 

2“  Toute  angine  de  poitrine  se  produisant  spontanément, 
est  une  pseudo-angine  de  poitrine. 

3»  Lorsqu’un  malade  ayant  des  crises  provoquées  par 
l’effort,  en  a de  spontanées  pendant  la  nuit,  la  première 
loi  n’est  pas  en  défaut;  il  s’agit  toujours  d’un  angineux 
vrai. 


CHAPITRE  III 


Douleurs  spontanées. 


PRÉCORDIALGIES  PSEUDO-ANGINEUSES.  — ALGIES 
CENTRALES. 

Immédiatement  après  l’angine  de  poitrine,  nous  devons 
étudier  les  précordi algies  pseudo-angineuses,  d’origine  et 
de  causes  diverses,  précordialgies  parfois  difficiles  à dia- 
gnostiquer, et  qui,  si  souvent,  font  naître  dans  l’esprit  du 
malade  l’idée^  de  l’angine,  idée  préconçue  efmal  fondée, 
contre  laquelle  on  ne  peut  lutter,  et  qui  s’implante  si  bien 
chez  les  patients  (des  neurasthéniques  pour  la  plupart), 
qu’elle  peut  dégénérer  en  anginophobie  et  les  amener  au 
suicide,  comme  on  en  a rapporté  des  cas. 

M.  Huchard  et  divers  auteurs  ont  décrit  sous  le  nom  de 
pseudo-angines  de  poitrine  les  diverses  précordialgies  à 
forme  angineuse  qui  peuvent  se  confondre  avec  l’attaque 
d’angor.  M.  G.  Sée  était  si  bien  persuadé  de  la  grande  dif- 
férence qui  existe  entre  ces  deux  syndromes,  l’un  d’ori- 
gine artérielle  et  l’autre  purement  nerveux  qu’il  avait  voulu 
désigner  le  second  sous  un  nom  qui  ne  puisse  prêter  à la 
confusion,  et  il  a décrit  les  précordialgies  pseudo-angineu- 
ses en  les  appelant  « Cardiacalgies  »,  terme  qui  ale  tort 
de  pouvoir  se  confondre  avec  la  cardialgie  ou  gastralgie 


— 30  — 


douloureuse  aiguë.  Bouchul  avait  désigné  sous  ce  nom  de 
cardialgie,  la  né.vralgie  du  cœur  (1). 

Nous  pouvons,  avec  ces  maîtres,  reconnaître  trois  clas- 
ses principales  de  précordialgies  à forme  angineuse  : 

r Pseudo-angines  toxiques, 

2°  Pseudo-angines  d’origine  réflexe. 

3°  Pseudo-angines  nerveuses. 

Ces  trois  classes  peuvent  elles-mêmes  se  subdiviser  en 
plusieurs  groupes  suivant  les  agents  ou  les  diathèses  qui 
en  sont  la  cause. 

Mais  toutes  ces  précordialgies  à forme  angineuse  ont  un 
caractère  commun  : elles  se  distinguent  des  accès  d’angine 
de  poitrine  parleur  spontanéité.  Chez  les  nerveux  elles 
peuvent  être  provoquées  parla  pression.  Ces  deux  signes 
ne  se  rencontrent  jamais  dans  l’angor  pectoris. 

Ceci  établi,  nous  allons  essayer  de  résumer  les  caractè- 
res distinctifs  de  ces  diverses  affections,  sans  insister  sur 
leur  pathogénie,  afin  de  ne  pas  répéter  ce  qu’en  ont  dit 
avant  nous  les  maîtres  qui  les  ont  étudiées,  et  en  particu- 
lier M.  Huchard,  en  nous  plaçant  seulement  au  point  de 
vue  séméiologique,  pour  nous  conformer  au  but  de  notre 
travail.  ' 

1.  — Précordialgies  pseudo-angineuses  d’origine 

TOXIQUE. 

A.  Pseudo-angine  tabagique,  — 11  faut  reconnaître  avec 
M.  Huchard  trois  sortes  d’angines  de  poitrine  tabagiques. 

a)  L’angine  de  poitrine  organique,  ou  scléro-tabagique 

(1)  Bouchut,  Congrès  pour  l’avuncemenl  des  sciences,  Rouen,  1883; 


À. 


® (Iluchard),  qui  produit  la  sclérose  des  coronaires  (car  il 
est  démontré  que  le  tabagisme  peut  se  ranger  parmi  les 
A causes  les  plus  fréquentes  de  l’artério-sclérose),  et  sur  la- 
: quelle  nous  n’insistons  pas  puisqu’elle  rentre  dans  le  cas 
des  angines  de  poitrine  vraies,  d’origine  coronarienne. 

■ d)  L'angine  de  poitrine  fonctionnelle  ou  spasmo-taba- 
; i gique,  relativement  bénigne,  résultant  de  l’état  spasmodi- 
icj,'  que  des  artères  coronaires  sans  altération  du  myocarde, 
et  guérissant  par  la  cessation  de  l’usage  du  tabac. 

c)  L’angine  de  poitrine  fonctionnelle  à forme  gastro- 
i?-  tabagique,  la  plus  bénigne  de  toutes,  résultant  de  l’irrita- 
tion  stomacale  produite  par  le  tabac. 

Généralement  les  douleurs  à forme  angineuse  tiennent 
le  second  plan  dans  ces  deux  derniers  groupes.  Le  princi- 
|i|  pal  symptôme  réside  dans  les  accidents  d’intoxication 
j^i'  tabagique. 

^'1  Sauf  les  cas  où  le  tabac  a déterminé  la  sclérose  artifi- 
cielle,  et  ceux  où  il  a déterminé  un  état  gastrique  qui  de- 
mande  des  soins  particuliers,  les  accès  disparaissent  quand 
ti  le  malade  cesse  de  fumer. 

ïS 

B.  Accidents  pseudo-angineux  toxiques  de  diverses 
^ origines.  — Les  accidents  causés  par  le  tabac  peuvent  se 
produire,  et  avec  des  différences  semblables,  sous  l’in-, 
Il  fluence  d’un  certain  nombre  d’autres  agents  toxiques,  par- 
pj  mi  lesquels  : 

Le  thé  et  le  café  (Percival,  Stokes,  Guelliot,  Eloy,  Hu- 
chard). 

L’ergot  de  seigle  (Nesley,  Mills). 

I f . L’oxyde  de  carbone  (Renault). 

 


i 


— 32  — 

Enfin  dans  cerlains  cas  on  peut  accuser  l’impaludisme 
aigu. 


II.  — PrÉCORDIALGIES  PSEUDO-ANGINEÜSES 
d’origine  Réflexe. 

Elles  sont  de  deux  sortes,  suivant  leur  origine  périphé- 
rique ou  viscérale. 

à)  Les  pseudo-angines  dues  à une  action  réflexe  d’ori- 
gine périphérique  peuvent  reconnaître  pour  cause  une  né- 
vralgie intercostale  ou  phrénique,  ou  toute  névralgie  de 
la  paroi  thoracique  ou  dorsale. 

Ces  accidents  ont  été  étudiés  aussi  sous  le  nom  de  car- 
diodynie. 

Les  névrômes,  les  névralgies  et  les  traumatismes  du 
bras  gauche  peuvent,  ainsi  que  M.  le  professeur  Potain 
l’a  démontré  (1)  être  le  point  de  départ  d’accidents  de 
même  nature,  ainsi  qu’il  en  rapporte  de  remarquables 
exemples. 

Comme  dit  notre  maître,  M.  Huchard,  deux  cas  peuvent 
se  présenter  : 

1“  Une  angine  de  poitrine  vraie  par  sclérose  coronaire 
est  accompagnée  d’une  névralgie  dorso-intercostale  sans 
que  celle-ci  joue  le  moindre  rôle  dans  la  production  des  ac- 
cès sténocardiques. 

2°  Une  névralgie  périphérique  (le  plus  souvent  dorsale, 
ou  dorso-intercostale),  s’accompagne  d’accès  pseudo-angi- 
neux, de  nature  névralgique,  sous  la  dépendance  de  l’état 
douloureux. 

(1)  Potain,  Congrès  de  la  Rochelle,  1882. 


b)  Les  pseudo-angines  peuvent  encore,  ainsi  qu’un  cer- 
(ain  nombre  d’auteurs,  entre  autres  M.  Potain,  l’ont  dé- 
montré, résulter  d’une  névralgie  des  nerfs  viscéraux.  Ces 
accidents  sont  dus  a un  état  sympathique  des  organes,  le 
plus  souvent  de  l’estomac  (ce  qui  fait  dire  à Stokes  et  à 
Gueneau  de  Mussy  que  la  cardialgie  peut  être  confondue 
avec  l’angor),  et  quelquefois  du  foie. 

Les  accidents  cardio-pulmonaires  consécutifs  aux  mala- 
dies des  voies  digestives  (les  plus  fréquents  de  tous),  peu- 
vent affecter  trois  formes  : 

1°  Forme  cardiaque  : palpitations,  arythmie,  gêne  et 
anxiété  précordiales. 

2°  Forme  pulmonaire  avec  dyspnée,  dilatation  du  cœur 
droit,  accentuation  du  deuxième  bruit  pulmonaire,  léger 
souffle  tricuspidien,  et  bruit  de  galop  droit. 

3°  Forme  cardio-pulmonaire,  le  plus  souvent  fruste,  avec 
faible  anhélation,  palpitations  et  légère  anxiété  précordiale. 

La  pathogénie  de  ces  accidents  d’origine  gastro-intesti- 
nale a été  élucidée  par  M.  Potain.  L’excitation  qui  peut 
partir  du  foie,  de  l’intestin,  et  surtout  de  l’estomac  déter- 
mine une  contraction  exagérée,  et  une  tension  élevée  dans 
les  vaisseaux  pulmonaires,  d’où  dilatation  du  cœur  droit. 

Si  on  compare  à l’angor  cette  précordialgie  angineuse 
d’origine  gastro-intestinale,  on  verra  qu’elle  en  diffère  par 
les  signes  suivants  : 

l"Les  accès  qui  surviennent  ordinairement  pendant  la 
digestion  sont  moins  longs  et  moins  douloureux  que  ceux 
de  Fangor  ; 

2°  La  douleur  est  une  douleur  de  distension,  précordia- 
le, et  non  sous-sternale,  rarement  irradiée  ; 

CllEVlLLOT  3 


3°  Elle  s’observe  à tout  âge,  el  surtout  chez  la  femme 
(l’usage  du  corset  peut  en  être  la  cause)  ; 

4°  Les  accès  ne  sont  jamais  provoqués  par  les  efforts 

III.  — Précordiâlgies  pseüoo-angineuses 
d’origine  névrosique. 

M.  G.  Sée  reproche  aux  auteurs  qui  ont  étudié  les  pseu- 
do-angines d’avoir  confondu  sous  ce  nom  tout  ce  qui  ne 
peut  se  rattacher  à la  sclérose  coronaire.  D’après  lui,  la 
confusion  ne  semble  pas  possible  entre  les  cardialgies  des 
névropathes  el  les  accès  d’angor.  Ceci  est  peut-être  trop 
affirmatif,  et  le  diagnostic  est  plus  difficile  à faire  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas,  surtout  quand  on  observe  des 
accès  pseudo-angineux  chez  des  angineux  vrais,  ainsi  que 
nous  en  rapporterons  des  exemples. 

Ces  douleurs  localisées  à la  région  du  cœur  dans  un  grand 
nombre  de  cas  chez  les  névropathes,  offrent  des  caractères 
essentiels,  permettant  de  les  différencier  des  autres  pré- 
cordialgies,  et  en  particulier  de  l’angor. 

Il  n’existe  pas  de  pseudo-angines,  dit  M.  G.  Sée,  mais  il 
existe  des  cardiacalgies  sans  lésions  du  cœur  ; d’après  lui, 
les  précordiâlgies  à forme  angineuse  ne  présentent  jamais 
les  phénomènes  caractéristiques  de  l’angine,  l’angoisse 
mortelle,  la  fixité  de  la  respiration  sous  peine  de  douleurs 
vives,  le  calme  habituel  du  cœur.  Nous’  sommes  absolu- 
ment du  môme  avis,  quant  au  fond,  mais  nous  croyons 
qu’il  existe  des  cas  où  la  douleur  des  précordiâlgies  névro- 
pathiques revêt  la  forme  angineuse  à s’y  méprendre,  si 
l’on  ne  se  souvient  pas  des  trois  lois  cliniques  formulées 


par  .Al,  lluchard  au  sujet  del’augor,  et,  même  dans  ce  cas, 
demandant  un  examen  et  un  interrogatoire  sévères  du 
malade,  pour  permettre  d’établir  le  diagnostic. 

Indépendamment  de  la  prédominance  de  l’angor  dans 
le  sexe  masculin,  et  delà  plus  grande  fréquence  de  la  né- 
vropathie chez  la  femme,  on  peut  dire  que  les  accès  né- 
vropathiques sont  toujours  spontanés,  qu’ils  sont  souvent 
périodiques,  nocturnes,  sujets  à répétition,  et  qu’ils  sur- 
viennent souvent  aux  mêmes  heures;  qu’ils  sonttoujours 
associés  à d’autres  symptômes  hystériques. 

Ils  peuvent  revêtir  la  forme  vaso-motrice  (par  spasme 
artériel),  ou  la  forme  fi-anchement  névralgique.  Dans  ce 
dernier  cas,  la  localisation  de  la  douleur  au  nerf  phréni- 
que est  celle  qui  peut  tromper  le  plus  facilement. 

Les  mêmes  accidents  à forme  angineuse  peuvent  être 
rencontrés  dans  les  grandes  névroses,  en  particulier  dans 
legoître  èxophtalmique,' qui  n’est  pas  seulement  une  né- 
vrose cardiaque,  mais  une  névrose  généralisée.  Parry,  le 
premier,  a signalé  la  coïncidence  de  l’angine  de  poitrine 
et  du  goitre  exophtalmique.  Après  lui,  de  nombreux  au- 
teurs en  ont  parlé.  Mais  dans  beaucoup  de  cas"  il  ne  s’a- 
git que  des  précordialgies  à forme  pseudo-angineuse  qui 
nous  occupent.  Dans  quelques  cas  on  a constaté  la  coexis- 
tence del’angor,  mais  les  deux  affections  paraissent  avoir 
été  absolument  indépendantes  l’une  de  l’autre. 

Quant  à la  neurasthénie,  cette  maladie  protéiforme  et 
inconstante  par  excellence,  on  ne  pourra  s’étonner  delà 
fréquence  des  accidents  pseudo-angineux  que  l’on  y pourra 
rencontrer.  La  nature  en  sera  facilement  désignée  par  la 
constatation  de  l’état  névropathique  du  sujet,  et  ils  n’oD 


frent  rien  de  particulier  en  deliors  des  caractères  des  pseu- 
do-angines névrosiques. 

Au  reste,  nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  reproduire 
les  tableaux  diagnostiques  queM.  Huchard  a donnés  dans 
son  Traitédes  maladies  du  cœur  et  des  vaisseaux  ; nous 
n’avons  rien  à y ajouter. 


Angine  de  poitrine. 

{Par  sclérose  des  coronaires.) 

Cause  anatomique.  — Aortite,  sclérose  et  sténose  des  coronaires,  af- 
fection artérielle. 

Symptômes.  — Accès  de  courte  durée,  toujours  provoquée,  ne  pou- 
vant être  spontanés  que  la  nuit.  Pas  de  points  douloureux  à la  pression 
sauf  s’il  y a complication  de  névralgie  phrénique  ou  cardiaque.  Douleur 
sous-sternale, angoissante. Pas  d’accidents  asystoliques  pendant  les  accès, 
signes  d’artério-sclérose. 

Pronostic.  — Très  grave,  mort  fréquente. 

Traitement.  — Médication  artérielle. 


Pseudo-angine  spasmo-tabagique. 

(Par  spasme  des  coronaires.) 

Cause  anatomique.  — Etat  spasmodique  des  coronaires. 

Symptômes.  — Accès  d’aiigor  associés  à des  accidents  divers  d’intoxi- 
cation tabagique  : vertiges,  troubles  gastriques  et  respiratoires,  etc.  — 

Accès  angineux  s’accompagnant  souvent  de  troubles  dans  le  fonc- 
tionnement du  cœur  ; ralentissement  des  battements,  intermittences, 
arythmies,  palpitations,  lipothymies,  etc.  Accès  souvent  plus  longs. 

Accès  spontanés  le  plus  souvent,  rarement  provoqués. 


— 37  — 

PaoxosTic.  — Rapide  disparition  des  accès  par  la  suppression  de  la 
cause  (tabac).  Mort  très  rare. 


Pseudo-angine  névralgique. 

(Par  névralgie,  hgperémie  oa  inflammation  des  nerfs  cardiaques.) 

C.\csEs  ANATOMIQUES.  — Aoi’titc  avoc  iiévrito  du  plexus  cardiaque  ; 
hyperémie  et  névralgie  du  plexus  cardiaque.  All’ection  névralgique  ou 
nerveuse,  névritique. 

Symi’TOMes.  — Douleurs  moins  franchement  paroxystiques,  souvent 
périodiques,  survenant  à la  même  heure  (pseudo-angine  névralgique  des 
hystéri(iues,  des  neurasthéniques,  etc)  ; non  provoquées  par  la  marche 
ou  l’elfort,  mais  souvent  provoquées  par  l’action  du  froid.  Douleurs 
souvent  permanentes. 

Douleurs  de  longue  durée,  ne  cessant  pas  par  l’arrêt  do  la  marche  ou 
la  cessation  d’un  elïort. 

Existence  de  points  douloureux  à la  pression,  surtout  sur  le  trajet 
des  phrénûiues  (névrite  du  plexus  cardiaque  et  du  nerf  diaphagmati- 
que).  ^ 

Angoisse  moins  accentuée,  toujours  associée  à la  douleur. 

Souvent  accidents  asystoliques  dans  le  cours  des  accès  (dans  l’hyperé- 
mie  rhumatismale  du  plexus  cardiaque). 

Pronostic.  — Pseudo-angine,  jamais  mortelle,  excepté  dans  les  cas 
assez  fréquents  où  la  névrite  cardiaque  est  associée  à la  sclérose  coro- 
naire. • 

Traitement.  — Médication  anti-nerveuse,  antinévralgique,  antiné- 
vritique  ; bons  effets  de  la  médication  révulsive. 

Pseudo-angine  névralgique  réflexe. 

{Affection  nerveuse). 

Symptômes.  — Accès  spontanés  parfois,  mais  souvent  provoqués  par 
les  mouvements  du  bras  gauche,  par  la  pression  sur  les  nerfs  doulou- 
reux. 

Douleurs  provoquées  à la  pression  des  nerfs  douloureux. 


— 38  — 


l’itoxosTic  tx'miii  ; — Ne  so.  toniiinn  jamais  par  la  morl. 
Tii.viTHMKN'r.  — Hévulsil's,  calmants,  auliiiévralgi<|ucs,  etc.  En 
snmé,  médication  ncrvcuso  on  antinévralgi(|ue. 


ré- 


Pseudo-angine  réflexe. 

{d'origine  gastro-inlestinule). 


C.vusE  ANATOMIQUE.  — Distoiisioii  dcs  cavités  du  cœur,  consecutive 
aux  troubles  gastriques. 

Symptômes.  — S’observe  à tout  âge,  peut-être  plus  souvent  chez  la 
l'emme. 

Longue  durée  des  accès  non  provoqués  par  la  inarcbe  ou  l’ellbrt, 
survenant  après  le  repas,  ou  sous  l’influence  du  travail  digestif. 

Douleur  précordiale  et  non  sous-sternale,  avec  sensation  de  plénitude 
de  la  poitrine,  de  distension  du  cœur,  avec  moins  d’irradiations  aux 
membres  supérieurs.  Douleur  vague  et  confuse  de  la  région  cardiaque, 
s’accompagnant  souvent  d’anbélation,  d’oppression  et  de  dyspnée,  avec 
état  lipotb  y inique. 

Signes  de  dilatation  du  cœur  droit  accompagnée  parfois  d’insulTisance 
tricuspidienne,  d’augmentation  dans  la  tension  du  système  pulmonaire. 
Attaques  fréquentes  de  cardiectasie  et  d’asystolie.  Retentissement  dias- 
tolique de  l’artère  pulmonaire,  siégeant  à gauche  du  sternum.  Parfois 
bruit  de  galop  droit. 

Augmentation  de  la  matité  précordiale,  surtout  dans  le  sens  trans- 
versal. 

Dans  la  pseudo-angine  de  poitrine  d’origine  gastrique  avec  douleurs 
gastralgi([ues,  accès  non  provoqués’par  les  eflorts. 

Jamais  les  accès  ne  sont  provoqués  par  les  elïorts. 

PiioNOSTic.  — Mort  très  rare. 

'fuAiTEMENT.  — Médicatioii  antidyspcpti(]ue,  etc. 


Algies  centrales.  — U est  un  point  de  clinique  sur  lequel 


39 


nous  voulons  insister.  Nous  avons  eu  l’occasion  d’obser- 
ver quelques  malades  qui  ressentaient  dans  la  région  pré- 
cordiale de  vraies  douleurs  en  dehors  de  toute  manifesta- 
tion cardiaque,  et  même  en  dehors  de  tout  état  névralgique. 
Ces  malades  étaient  toujours  des  neurasthéniques,  il  est 
vrai,  mais  on  ne  rencontrait  point  chez  eux  les  points  dou- 
loureux des  névralgies  intercostales  ou  phréniques,  ou 
même  du  mammaire  externe,  que  l’on  trouve  d’ordinaire, 
et  qui  permettent  d’expliquer  les  précordialgies  pseudo- 
angineuses  qu’ils  éprouvent. 

Ces  neurasthéniques  forment  une  classe  à part,  encore 
mal  connue  ; ils  ressentent  des  douleurs  vives,  localisées 
dans  les  endroits  les  plus  divers,  et  parfois  à la  région  pré- 
cordiale. 

Ces  douleurs  ont  pour  caractères  : 

1°  De  n’être  pas  dues  à une  lésion  artérielle  ; 

2°  De  lieras  exister  sur  le  trajet  d’un  nerf  ; 

3°  De  ne  pas  être  sensibles  à la  pression  ; 

M.  Blocq  les  a étudiées  sous  le  nom  de  « topoalgies  », 
et  M.  Huchard  sous  le  nom  d’ « algies  centrales  » (1).  De 
telles  douleurs  ont  un  siège  central  et  non  périphérique  ; 
elles  sont  comparables  en  tous  points  à celles  que  les  am- 
putés localisent  dans  le  membre  qu’on  leur  a enlevé,  ou 
encore  aux  douleurs  fulgurantes  du  tabes  dont  l’origine 
centrale  est  reconnue. 

Les  algies  centrales  des  neurasthéniques  peuvent  s’ins- 
taller lentement,  dans  quelques  cas  : le  plus  souvent  elles 
succèdent  à de  fortes  émotions  ou  à des  traumatismes. 

(1)  Hüchard,  Les  neurasthénies  locales,  Arc/t.  de  médecine  et  Soc.méd. 
des  hôp.,  1892  ; P.  Blocq,  La  topoalgie,  Gaz.  hebd,  de  méd.,  1891. 


« 


— 40  — 


Elles  ne  s’accompagnent  ordinairement  d’aucun  des  signes 
de  l’hystérie,  et  elles  peuvent  revenir  à des  périodes  fixes, 
plus  ou  moins  rapprochées.  Elles  peuvent  encore  persister 
pendant  longtemps,  elles  résistent  à tous  les  moyens  de 
traitement,  et  elles  se  localisent  aussi  bien  dans  les  viscè- 
res qu’à  la  périphérie. 

C’est  dans  cet  ordre  de  faits  que  doivent  se  rangerai! 
point  de  vue  palhogénique  et  thérapeutique,  un  certain 
nombre  de  ces  grandes  névralgies  pelviennes  qui  étaient  à 
l’ordre  du  jour  à la  société  de  chirurgie  à la  fin  de  l’année 
1892.  Ces  douleurs  localisées  par  les  malades  dans  la  ré- 
gion péri-ovarienne,  ne  guérissent  pas  plus  après  l’hysté- 
rectomie  qu’après  l’ovariotomie.  C’est  que  ce  sont  des 
douleurs  d’origine  centrale,  ainsi  que  M.  Potain  et  plu- 
sieurs chirurgiens  en  ont  rapporté  des  exemples,  et  que  la 
thérapeutique  médicale  ou  chirurgicale  se  trouve  absolu- 
ment désarmée  en  pareil  cas. 


Ces  algies  peuvent  se  localiser  à la  région  précordiale. 
Elles  peuvent  alors  simuler  l’angine  (malgré  l’absence  des 
signes  cardio-artériels),  et  surtout  les  pseudo-angines  ner- 
veuses (malgré  l’absence  de  symptômes  hystériques). 

M.  Huchard  attire  l’attention  sur  ce  fait  que  les  mala- 
des, dans  ce  cas,  « n’éprouvent  rien  à demi  et  parlent  tou- 
jours au  superlatif  »,  que  l’on  remarque  chez  eux  le  man- 
que d’énergie  et  la  diminution  de  la  volonté,  et  de  même 
que  l’hypocondrie  est  la  maladie  des  idées  fixes,  la  neuras- 
thénie est  la  maladie  des  sensations  fixes. 

P.  Blocq  a caractérisé  de  la  façon  suivante  la  « Topoal- 


— 41 


gie  » : « Les  malades  souffrent  exclusivement  ou  princi- 
palement d’une  douleur  localisée  dans  une  région  variable 
mais  non  en  rapport  avec  un  territoire  anatomiquement 
ou  physiologiquement  délimité.  L’affection  est  lente  et 
peut  guérir  ; le  diagnostic  doit  être  fait  avec  les  algies  des 
hystériques  et  des  hypocondriaques. 

Ce  diagnostic  sera  aisément  fait  en  l’absence  des  signes 
de  ces  deux  affections.  Dans  le  cas  où  il  subsisterait  des 
doutes  au  sujet  de  l’angor,  nous  devons  rappeler  que  « na- 
turam  mbrhorum  ostendimt  curationes  ».  Or  nous  avons 
dit  que  les  algies  centrales  sont  rebelles  à tout  traitement  ; 
ce  qui  n’est  pas  le  cas  de  l’angor,  au  moins  au  point  de 
vue  de  la  sédation  des  douleurs.  Les  moyens  qui  ont  donné 
à P.  Blocq  les  meilleurs  résultats  sont  : le  rétablissement 
de  l’équilibre  psychique,  et  la  mobilisation  de  l’image  sen- 
sitive fixe.  Mais  ils  ne  rentrent  pas  dans  les  procédés  thé- 
rapeutiques ordinaires. 

11  peut  arriver  aussi  que  l-’on  observe  des  cas  où  la  dou- 
leur de  l’angor  alterne  avec  les  accès  de  précordialgie  à 
forme  angineuse'des  hystériques,  ou  avec  les  algies  cen- 
trales des  neurasthéniques,  comme  M.  Huchard  en  a rap- 
porté des  exemples  dans  la  thèse  de  son  élève  Leclerc  (1), 
et  comme  nous  avons  pu  nous-même  en  recueillir  une  ob- 
servation dans  son  service. 

Il  s’agit  des  malades  qui,  en  dehors  de  leur  cardiopathie 
artérielle  offrent  des  symptômes  non  douteux  d’hystérie 
ou  de  neurasthénie,  qui  ont  eu  des  accès  d’angine  de  poi- 
trine vraie,  mais  qui,  spontanément  (nous  insistons  sur  ce 
fait),  présentent  des  accès  de  douleur,  à forme  angineuse 


!' 


« 


(1)  Leclerc,  L’angine  de  poitrine  hystérique,  Thèse,  Paris,  1887. 


dans  la  région  précordiale,  ou  ressentent  des  douleurs  d’o- 
rigine centrale  qu’ils  localisent  à cette  même  région. 

Dans  ce  cas,  ainsi  que  nous  l’a  prouvé  M.  Blocq,  il  existe 
un  véritable  dédoublement  de  la  personnalité,  en  : person- 
nalilé  consciente  qui  a éprouvé  réellement  les  accès  d’an- 
gor,  et  personnalité  inconsciente  qui  se  souvient  de  la  dou- 
leur éprouvée,  et,  rapportant  à la  même  cause  une  algie 
nouvelle,  la  localise  au  même  endroit,  et  croit  l’éprouver 
dans  les  mêmes  conditions.  C’est  donc  surtout  un  dédou- 
blement de  la  sensibilité. 

Albot,  qui  a étudié  la  pseudo-angine  de  poitrine  hysté- 
rique chez  les  cardiaques,  n’a  pas  signalé  ce  fait  de  la  con- 
comitance de  l’angor  et  des  accidents  pseudo-angineux, 
bien  qu’il  rapporte  une  observation  de  M.  Landouzy  qui 
peut  être  interprétée  de  cette  façon.  Notre  maître,  M.  Hu- 
chard,  en  a rapporté  quelques  cas.  Le  diagnostic,  dans  ces 
cas,  ne  peut  s’établir  que  sur  la  spontanéité  des  accès  d’o- 
rigine nerveuse. 

IV.  — Parallèle  entre  les  précordialgies 

ANGINEUSE  ET  PSEUDO-ANGINEÜSES. 

Nous  avons  VU  dans  un  précédent  chapitre  quels  sontles 
caractères  que  M.  Huchard  assigne  à l’angine  de  poitrine 
vraie.,  coronarienne.  Pour  lui,  la  douleur  est  un  si- 

gne presque  infaillible  de  cette  angine,  et  après  avoir  dit 
autrefois  en  1883,  « qu’il  n’y  a pasuneangine  de  poitrine, 
mais  qu’il  y a des  angines  »,  il  est  arrivé  à dire  maintenant  : 
« 11  n’y  a qu’une  seule  angine  de  poitrine,  l’angine  corona- 
rienne ; toutes  les  autres  sont  fausses  ».  La  première  se 


termine  par  la  mort  ; les  autres  ne  se  terminent  jamais  ou 
presque  jamais  par  la  mort.  Depuis  que  son  attention  est 
attirée  sur  cette  question,  c’est-à-dire  depuis  son  premier 
travail  de  1879  et  celui  de  1883,  la  valeur  séméiologique 
de  la  douleur  d'effort  pour  la  sténocardie  vraie  n’a  été  en 
défaut  qu’une  seule  fois,  et  sa  statistique  porte  sur  plus  de 
300  cas  observés  .d’angines  et  de  pseudo-angines. 

La  rigueur  de  ces  conclusions  est  sans  doute  contestée 
par  beaucoup  d’observateurs  ; ou  reproche  à notre  maître 
d’être  trop  exclusif,  on  lui  objecte  quelques  cas  de  sténo- 
cardies  mortelles  alors  que  l’autopsie  n’a  permis  de  cons- 
tater aucune  lésion  oblitérante  des  coronaires.  Il  a fait 
justice  de  cette  objection  dans  son  Traité  clinique  des  ma- 
ladies du  cœur.  On  lui  a objecté  encore  des  cas  de  mort  par 
névralgie  ou  névrite  cardiaque.  Notre  maître  ne  nie  pas 
ces  faits  ; mais,  de  ce  que  l’on  puisse  mourir  d’une  né- 
vralgie ou  d’une  névrite  cardiaque,  est-ce  une  raison  pour 
confondre  l’angine  coronarienne  et  la  pseudo-angine  né- 
vralgique? De  ce  que  la  pneumonie  et  la  pleurésie  ont  pour 
symptôme  commun  un  point  de  côté , a-t-on  jamais 
eu  l’idée  de  confondre  nosologiquement  ces  deux  mala- 
dies? 

Dernièrement,  M.  Brissaud  (1)  citait  l’observation  d’une 
malade  de  25  ans,  hystérique,  chez  laquelle  des  crises 
violentes  à'aiigor  pectorïs  alternaient  avec  des  accès  de 
névralgie  faciale.  Elle  mourut  au  milieu  d’un  de  ses  accès 
angineux.  Mais,  il  n’y  a pas  eu  autopsie,  et  quand  même 
il  y en  aurait  eu,  elle  n’aurait  eu  aucune  façon  résolu  le 


(1)  Communication  orale  faite  h M.  Huchard. 


problème.  Elle  aurait  démontré  que  l’on  peut  mourir  de 
névralgie  cardiaque,  ce  qui  n’est  pas  niable  ; mais  elle  n’au- 
rait aucunement  prouvé  que  l’angine  de  poitrine  est  un 
syndrome  hybride  pouvant  dépendre,  tantôt  d’une  coro- 
narite oblitérante^  tantôt  d’une  simple  douleur  du  plexus 
cardiaque,  ou  encore  d’autres  causes,  puisque  l’on  compte 
dans  la  science  près  de  50  explications  différentes  sur  le 
syndrôme  angineux. 

M.  Dieulafoy  qui  ne  partage  pas  cette  opinion  exclusive, 
s’exprime  en  ces  termes  : 

« Que  le  malade  qui  a une  coronarite  oblitérante  soit 
plus  gravement  atteint  que  celui  qui  ne  l’a  pas,  d’accord  ; 
mais  ce  n’est  pas  une  raison  pour  dire  que  ce  dernier  a une 
fausse  angine  ; il  a si  peu  une  fausse  angine  que  ses  accès 
peuvent  être  terriblement  douloureux,  angoissants  et  mor- 
tels  Je  pose  donc  en  principe  que  tout  individu  atteint 

d’angine  de  poitrine  peut  en  mourir  » (1). 

A cela,  M.  Huchard  répond  (2)  : « Oui,  les  accès  des 
pseudo-angines  peuvent  être  plus  douloureux,  plus  angois- 
sants, ils  sont  même  de  plus  longue  durée  que  ceux  de 
l’angine  coronarienne,  comme  nos  observations,  celles  de 
Marie  et  de  mon  élève  Le  Clerc  (3)  l’ont  démontré.  Mais 
Yintensité  delà  douleui^  à laquelle  M.  Dieulafoy  paraît  attri- 
buer une  importance  prépondérante  n’a  jamais  été  un  si- 
gne distinctif  permettant  de  différencier  deux  maladies. 
Voyez  ce  qui  arrive  chez  les  angineux  vrais  : la  douleur  est 

(d)  Dieulafoy,  Manuel  de 'pathologie  interne,  T édition,  1894,  t.  l", 
p.  615. 

(2)  Communication  orale. 

(3)  Marie,  Revue  de  méd.,  1882.  — Lf.  Clerc,  loc.  cil. 


45 


parfois  peu  intense,  et  les  malades  meurent  souvent  subi- 
tement de  syncope  et  sans  aucune  douleur.  Or,  il  n’en  est 
pas  de  même  des  cas  de  morts  — extrêmement  rares  — 
dans  les  pseudo-angines  névralgiques.  Les  malades  meu- 
rent par  excès  de  douleur  et  nullement  par  syncope. 

« D’un  autre  côté,  poser  en  principe  que  « tout  indi- 
vidu atteint  d’angine  de  poitrine  peut  en  mourir  » c’est 
faire  en  médecine,  l’exclusivisme  que  l’on  me  reproche.  Sur 
cent  angines  de  poitrine,  il  y en  a vingt  qui  mourront  pres- 
que infailliblement  (angine  coronarienne)  ; il  y en  a 80  qui 
n’en  mourront  jamais  (pseudo-angine  névralgique).  » L’im- 
portant, en  séméiologie,  est  de  ne  pas  confondre  ces  cas 
si  disparates  au  point  de  vue  du  diagnostic  et  surtout  du 
pronostic.  Et  puisque,  dans  les  deux  cas,  la  terminaison 
est  si  différente,  la  place  nosologique  pour  ces  deux  caté- 
gories d’accidents  ne  doit  pas  être  la  même,  pas  plus  que 
leur  place  en  thérapeutique.  Personne  n’a  jamais  songé 
à appliquer  le  même  traitement  à l’angine  hystérique  qu’à 
l’angine  de  poitrine  vraie.  » 

L' angine  de  poitrine  (sans  épithète)  procède  d'une  affec- 
tion artérielle^  d'une  sténose  ou  oblitération  coronarienne  ; 
elle  se  termine  presque  toujours  par  la  mort. 

Les  pseudo-angines  sont  des  affections  névralgiques  des 
plexus  ou  nerfs  cardiaques.  Elles  se  terminent  presque  tou- 
jours par  la  guérison. 

Dans  le  premier  cas,  la  mort  est  la  règle  ; dans  les  se- 
conds, elle  est  d’une  exceptionnelle  rareté,  on  ne  saurait 

% 

jamais  trop  le  répéter. 

Il  importait  donc  de  tracer  les  symptômes  distinctifs  de 
l’angine  vraie  (cette  claudication  douloureuse  et  intermit- 


40 


ï 

tente  du  cœur,  comme  le  dit  M.  Potain)  et  des  pseudo-  J- 
angines.  C’est  ce  qui  légitime  tous  les  détails  dans  les-  I* 
quels  nous  sommes  entré.  J’ajoute  que  j’ai  vu  dans  le  ser-  p 
vice  de  M.  Huchard  depuis  trois  ans  un  certain  nombre  • 
d’angineux  (quinze  environ)  et  de  pseudo-angineux  (une  v' 
quarantaine).  Or,  jamais  le  diagnostic  n’a  été  en  défaut, 

Mais  il  est  de  toute  importance,  pour  faire  ce  diagnostic,  • 
de  bien  connaître  les  signes  distinctifs  des  angines  de  poi- 
trine  et  des  pseudo-angines. 

On  peut  observer  l’un  ou  l’autre  de  ces  deux  syndromes 
au  cours  delà  même  affection  générale.  Nous  n’en  voulons  ' 
citer  qu’un  exemple  ; 

On  sait  que  dans  l’ataxie  locomotrice,  Vulpian^Landouzy,  \ 
Berbez,  Leyden,  Grœdel,  etc.  (1),  ont  signalé  l’angine  coro- 
narienne,  ce  qui  s’explique  par  les  lésions  artérielles  ffé-  - 
quentes  dans  l’ataxie  locomotrice.  Mais  dans  cette  même  , ' 
affection,  les  douleurs  fulgurantes,  lorsqu’elles  se  localisent 
à la  région  précordiale,  peuvent  faire  croire  à des  douleurs  *■ 
angineuses  qui  n’existent  pas,  comme  MM.  Fournier  et 
Huchard  en  ont  cité  deux  exemples  remarquables  (2). 

(1)  VüLPiAN,  Revue  de  méd.,  1883.  — Landouzy,  Progr.  méd.,  1883.  — 

Bekbez,  Proÿ?’.  1887. — Leyden,  ZeÜsch.  f.  Klinische  med,,  1887.  ^ 
— Grœdel,  DeiUsch.  med.  Woch.,  1888.  - 

(2)  Fournier,  Ataxie  locomotrice  d’origine  syphilitique,  Paris,  1882,  ^ 

p.  69.  — H.  Huchard,  Leçons  sur  les  maladies  du  cœur  et  des  vaisseaux, 

1"  édit.,  1889,  p.  408. 


y 


» 


CHAPITRE  IV 


Douleurs  spontanées  (suite). 


PRÉCORDIALGIES  DANS  LES  RUPTURES  DU  CŒUR 

Les  ruptures  du  cœur  qui  se  divisent  en  deux  catégories  : 
ruptures  myocardiques  et  ruptures  valvulaires,  constituent 
une  affection  très  rare  puisque  M.  Barié,  dans  son  remar- 
quable mémoire  de  1881  (1)  ne  trouve  que  35  cas  de  rup- 
tures valvulaires,  et  M.  Robin,  dans  une  très  intéressante 
leçon  clinique  (2)  faite  en  1884  sur  ce  sujet,  ne  mentionne 
que  29  observations  complètes  de  ruptures  myocardiques. 

I.  — Ruptures  myocardiques.  — Les  ruptures  myocar- 
diques, bien  étudiées  par  Corvisart,  Barlh,  LePiez,  Potain 
et  Robin,  « constituent  un  des  modes  de  terminaison  de 

la  myocardite  dont  ta  dégénérescence  calcaire  constitue  le 

» 

premier  aboutissant  » (Robin).  Elles  surviennent  chez  des 
gens  âgés,  cardio-scléreux. 

Au  point  de  vue  clinique,  M.  Huchard  en  reconnaît  trois 
formes  (3)  : 

1°  Forme  foudroyante.  — Mort  subite.  Le  malade  ressent 
une  atroce  douleur  de  la  région  précordiale,  les  battements 

(1)  E.  Barié,  Ruptures  valvulaires  du  cœur.  ileu.  de  méd.,  1881  et 
Revue  gén.  de  Clin,  el  de  Thérap.,  1893,  p.  396. 

(2)  A.  Robin,  Leçons  de  clinique  et  Ihérapeulique,  Paris,  1887. 

(3)  Huchard,  Extrait  du  second  vol.  du  Traité  des  mal.  du  cœur  (en 
préparation),  Paris,  1894. 


— 48  — 


du  cœur  s’arrêLenl,  il  suiïoque,  et  meurt  en  quelques  se- 
condes dans  une  syncope. 

2°  Forme  progressive.  — Le  malade  ressent  une  précor- 
dialgie  douloureuse  et  angoissante  d’une  grande  intensité. 
Les  battements  du  cœur  vont  en  diminuant,  et  la  matité 
précordiale  va  en  augmentant.  Le  malade  succombe  au 
bout  de  douze  ou  quinze  heures,  dans  une  syncope. 

Forme  j)rogressive  avec  rémission.  — Dans  ces  cas  la 
rupture  a été  annoncée  par  des  crises  d’angine  de  poitrine 
intenses.  La  mort  peut  ne  survenir  qu’au  bout  de  plusieurs 
jours. 

La  douleur  ressemble  tout  à fait  à celle  de  l’angor  ; mais 
ainsi  que  le  fait  observer  M.  Huchard,  les  malades  sont 
souvent  des  angineux.  C’est  un  accès  d’angine  qui  le  plus 
souvent  annonce  la  rupture  myocardique  ; quelquefois 
c’est  un  simple  engourdissement  du  bras  ainsi  que  M.  Ro- 
bin en  cite  un  cas. 

La  douleur  angineuse  manque  rarement,  quoiqu’on  en 
ai  dit  ; elle  ne  paraît  manquer  que  parce  que  les  malades 
n’ont  pas  eü  le  temps  de  l’exprimer.  Elle  est  due  à l’isché- 
mie du  myocarde  produite  d’abord  par  l’état  des  vaisseaux 
coronariens,  puis  par  la  déperdition  sanguine,  enfin  par  la 
compression  du  cœur. 

Cette  douleur  est  quelquefois  constrictive  et  pongitive, 
ou  même  perforante,  comme  si  on  perforait  le  thorax. 
D’après  Friedreich,  les  malades  éprouvent  au  moment  de 
la  rupture  une  douleur  subite,  comme  si  quelque  chose  se 
rompait  dans  la  poitrine  ; ils  trouvent  encore  cependant  le 
temps  de  pousser  un  cri. 


— 49  — 


Nous  n’insisloMs  pas  sur  ]es  autres  symptômes,  clyspiice 
et  troubles  divers,  pour  passer  au  diagnostic  delà  douleur. 

Diagnostic.  — 1“  Dans  les  cas  de  mort  rapide  ou  subite, 
il  est  rare  que  le  diagnostic  puisse  être  fait.  Il  faut  songer 
àTanginede  poitrine,  à la  rupture  d’un  anévrisme  delà 
crosse,  etc.  ; et  on  sait  qu’en  somme  la  rupture  dii  cœur 
est  une  affection  rare. 

Dans  l’angine  de  poitrine  symptomatique  d’une  rupture, 
il  y a des  symptômes  dyspnéiques  et  circulatoires  qui 
n’existent  pas  dans  l’angine  vraie  sans  rupture. 

2°  Lorsqu’il  y a rémission  (forme  progressive)  on  peut 
songer  à la  rupture  d’un  anévrisme  des  artères  ou  des  vei- 
nes coronaires,  ce  qui  est  un  fait  très  rare  ; le  sang  dans 
l’un  et  l’autre  cas  s’épanche  dans  la  cavité  péricardique  et 
la  mort  survient  par  ischémie  cardiaque  et  compression 
du  muscle.  Le \liagnostic  est  impossible  à faire  entre  ces 
deux  classes  de  faits. 

Les  Ruptures  valvulaires  ont  été  étudiées  par  Corvisart, 
Barié,  Potain,  etc.  La  douleur  est  soudaine  ; dans  les  cas 
de  ruptures  spontanées  aussi  bien  que  dans  les  ruptures 
traumatiques,  mais  la  mort  habituellement  ne  survient  que 
douze  ou  quinze  jours  après  l’accident. 

Cette  douleur  vive,  angoissante,  irradie  quelquefois, 
elle  est,  d’après  Barié  plus  fréquente  dans  les  ruptures 
spontanées.  Elle  s’accompagne  de  dyspnée  et  de  suffoca- 
tion, les  battements  cardiaques  deviennent  violents,  rapi- 
des et  arythmiques,  avec  un  pouls  misérable,  en  même 
temps  qu’apparaît  un  bruit  de  souffle  d’insuffisance.  Ce 
bruit  de  souffle  peut  ne  se  révéler  qu’au  bout  de  quelques 

ClIEVILLOT  4 


— 50  — 


jours.  Il  n’a  pas  les  caractères  ordinaires  des  souffles  d’in- 
SLiffisance.  Il  est  plus  grave  et  plus  profond  (Barié)  ; il  subit 
diverses  variations  d’après  les  vibrations  qu’éprouvent  les 
lambeaux  de  la  valvule  rompue  en  flottant  dans  le  courant 
sanguin. 

Lesruplures  valvulaires  n’atteignent  jamais  qu’un  cœur 
profondément  lésé,  comme  du  reste  les  ruptures  myocar- 
diques. 

Le  pronostic  est  presque  toujours  fatal  à brève  échéan- 
ce. On  cite  cependant  quelques  faits  d’une  survie  assez 
longue  relativement. 

Les  signes  de  la  rupture  d’un  cordage  tendineux  ou  d’un 
pilier  du  cœur  sont  à peu  près  les  mêmes.  Ces  ruptures 
(Corvisart,  Polain,  Barié,  Le  Piez^  etc.)  ne  surviennent 
jamais  que  chez  les  myocardiques  ; la  douleur  précordiale 
est  vive,  soudaine,  angoissante.  La  rupture  d’un  pilier 
donne  lieu  à un  thrill,  à un  frémissement  vibratoire,  dont 
le  malade  peut  quelquefois  avoir  conscience.  L’asystolie 
est  de  règle  ; elle  peut  cependant  ne  survenir  qu’au  bout 
de  plusieurs  jours  et  même  plusieurs  années  (4  ans,  Barié). 

Quant  aux  ruptures  de  l’aorte,  signalées  par  quelques 
auteurs  et  bien  étudiées  dans  un  mémoire  récent  de 
M.  Martin-Dürr  (1  ),  elles  n’otFrent  rien  de  particulier  au 
point  de  vue  de  la  précordialgie.  La  douleur  n’est  pas  si- 
gnalée dans  la  plupart  des  cas.  Chauvel  a observé  un  cas 
avec  douleur  angoissante  pré-sternale.  Ces  ruptures  sur- 
viennent dans  l’athérôme  de  l’aorte,  et  quelquefois  sans 
cause  appréciable.  Le  diagnostic  précis  semble  impossible. 

(1)  Martin-Durr,  Arch.  gên<  deméd.,  1891. 


Douleurs  provoquées. 


I.  — Précordialc.ie  de  la  péricardite. 

La  question  de  la  douleur  dans  la  péricardile  a été  vive- 
ment discutée  par  les  auteurs.  D’après  les  anciens  (Ronde- 
let, Diversus,  Senac,  Corvisart),  il  fallait,  pour  diagnosti- 
quer la  péricardite,  constater  l’existence  d’une  douleur 
vive,  pongitive,  dans  le  thorax,  douleur  irradiant  vers  Té- 
pigastre.  D’après  Hope,  elle  est  très  fréquente,  constante 
d’après  Hache,  et  suivant  Gendrin  la  douleur  à la  pres- 
sion est  presque  toujours  pathognomonique. 

Formulant  uneopinion  diamétralement  opposée,  Hughes 
et  Eulenberg  (de  Coblentz)  ont  déclaré  que  la  douleur  n’ap- 
partient pas  à la  péricardite,  mais  à la  pleurésie  ou  à la 
pneumonie  qui  aurait  toujours  coexisté  avec  la  péricardite 
dans  tous  les  cas  où  ils  ont  rencontré  de  la  douleur. 

Friedreicb  refuse  ce  symptôme  à la  péricardite,  Racle  est 
du  même  avis,  et  d’après  cet  auteur,  lorsqu’on  observe 
cette  affection  dans  son  état  de  simplicité,  on  n’y  rencontre 
pas  de  douleur.  Ce  n’est  que  lorsqu’il  y a pneumonie  ou 
pleurésie  concomitantes,  iiQvralgie  propagée,  en  un  mot, 
lorsque  l’inflammation  s’étend  aux  parties  environnantes 


pourvues  de  nerfs  sensitifs,  parois  thoraciques, médiastin, 
nerf  phrénique,  que  l’on  trouve  de  la  douleur. 

Les  opinions  des  autres  auteurs  sont  moins  absolues,  et 
peut-être  plus  justes  dans  leur  éclectisme.  Presque  toussont 
unanimes  à reconnaître  que  la  douleur  manque  souvent 
dans  la  symptomatologie  de  la  péricardite  aiguë  comme 
souvent  aussi  ses  autres  signes  physiques  et  fonctionnels. 
C’est  ce  qui  faisait  dire  à Stokes,  et  nous  avons  pu  souvent 
vérifier  la  vérité  de  son  assertion,  que  la  péricardite  est  une 
des  affections  les  plus  fréquentes,  qui  passent  le  plus  sou- 
vent inaperçues.  D’un  autre  côté  on  l’a  observée  un  grand 
nombre  de  fois  en  dehors  de  toute  complication. 

En  ce  qui  concerne  la  fréquence  des  cas  où  on  l’observe, 
les  avis  diffèrent  encore.  D’après  Louis  on  ne  la  constate- 
rait que  dans  la  moitié  des  cas,  Hache  l’aurait  trouvée  chez 
tous  les  sujets,  au  moins  au  début.  Sans  parler  des  cas 
étudiés  avant  Corvisart,  à une  époque  où  l’on  distinguait 
mal  les  affections  du  poumon  de  celles  du  péricarde,  il  faut 
se  souvenir  que  ce  symptôme  est  essentiellement  variable 
chez  les  différents  malades,  suivant  les  circonstances.  Tel 
est  du  moins  l’avis  de  tous  ceux  qui  ont  écrit  depuis  Bouil- 
laud. 

Wertheimer,  dans  sa  thèse  inaugurale  sur  ce  sujet  (I) 
se  range  à peu  près  aux  conclusions  de  ce  dernier  auteur  : 
il  considère  la  douleur  précordiale  comme  très  inconstante 
dans  la  péricardite,  mais  pouvant,  quand  elle  existe,  four- 
nir de  précieuses  indications.  D’après  lui,  les  péricardites 
le  plus  souvent  douloureuses  sont  les  péricardites  franches 

(1)  Wertiieiuer,  De  la  douleur  dans  la  péricardite,  Thèse  inaug.  Paris, 
18. 


H ft' 


et  rlumialismales  : les  péricardites  secondaires  sont  pres- 
que toujours  indolentes.  D’après  Axenfeld  et  Bonneau,  la 
douleur  est  presque  constante  dans  les  péricardites  primi- 
tives, et  plus  rare  dans  les  péricardites  secondaires,  mais 
surtout  dans  celles  d’origine  rhumatismale  en  vertu  de  l’a- 
phorisme hippocratique:  « Diiobus  doloribus  simid  obor- 
tis,  non  in  eoclem  loco.  vehementior  obscur at  alterum  » ; ce 
qui  n’est  pas  toujours  exact.  Stokes  résume  les  opinions 
en  disant  que  la  douleur  faille  plus  souvent  défaut  quand 
la  péricardite  est  compliquée  d’une  maladie  essentielle  ou 
d’une  affection  locale.  Enfin  G.  Sée,  Dieulafoy  et  tous  les 
i auteurs  modernes  s’accordent  adiré  que  la  douleur  peut 
; manquer  totalement  ou  passer  inaperçue,  et  que  le  plus 
souvent  elle  ne  consiste  que  dans  une  sensation  de  gêne 
précordiale,  une  douleur  de  distension  (Huchard). 

:!  Il  arrive  cependant,  comme  nous  allons  le  voir,  que  la 
douleur  revêt  la  forme  angineuse  comme  dans  la  fameuse 
observation  de  Mirabeau,  dans  celles  d’Andral  et  de  Peter. 


j Si  nous  examinons  maintenant  les  descriptions  qui  ont 
. été  données  de  la  douleur  dans  la  péricardite,  nous  pour- 
rons constater  qu’elle  peut  revêtir  trois  formes  différentes 
principales. 

En  général,  la  douleur  précordiale  de  la  péricardite  ai- 
guë consiste  dans  une  sensation  de  gêne  douloureuse,  une 
sensibilité  sourde  et  profonde  qui  occupe  l’épigastre  et  la 
région  cardiaque,  et  que  la  pression,  la  percussion  et  les 
mouvements  font  passer  à l’étal  de  douleur  véritable  (Be- 
hier  et  Hardy).  Elles  s’accompagnent  d’un  sentiment  de 


consi l•iclioll  cL  do  pesanteur  de  tonie  la  l’égion.  A celle 
gônoconlinne,  s’ajoule  parfois  une  sensation  pins  ou  moins 
pénible  qui  prédomine  le  long  du  nerf  phrénique  (G.  Sée)  ; 
on  lui  trouve  alors  deux  points  maxima  entre  les  altaclies 
inférieures  du  sterno-masloïdienel  sous  le  rebord  des  faus- 
ses côtes,  (point  costo-xyplioïdien  de  Guéneau  de  Mussy). 
La  douleur  épigastrique  est  toujours  exagérée  parla  pres- 
sion verticale  de  bas  en  haut  sur  le  diaphragme,  (on  provo- 
que ainsi  une  douleur  aiguë  que  les  malades  rapportent  à 
la  partie  postérieure  du  sternum,  signe  que  Mayne  etStok 
regardent  comme  caractéristique),  par  le  refoulement  des 
léguments  en  haut  (Potain)  et  quelquefois  par  l’injection 
des  aliments  et  des  boissons  (G.  Sée). 

Quelquefois  elle  est  plus  violente  : elle  devient  lanci- 
nante et  pongitive  comme  la  décrivait  Corvisart  : elle  aug- 
mente sous  l’inQuence  du  moindre  mouvement;  le  décu- 
bilus  sur  le  côté  gauche,  la  percussion,  les  inspirations  un 
peu  fortes,  etc.,  suffisent  pour  la  rendre  intolérable.  Elle 
irradie  alors  vers  le  bras  gauche,  vers  le  mamelon,  vers 
l’épaule,  l’épigastre,  et  même,  d’après  Rambaud  (1),  vers 
l’angle  de  l’omoplate.  Peter,  qui  a décrit  ces  variétés  de 
douleurs  sous  le  nom  de  douleurs  périphériques  les  attri- 
bue à la  névrite  des  nerfs  intercostaux  et  du  nerf  phréni- 
que. 

★ 

¥ ¥ 


Péricardite  a forme  angineuse. 

Enfin,  mais  dans  un  petit  nombre  de  cas,  on  a pu  obser- 
ver une  douleur  extrêmement  violente,  angoissante,  siir- 

(I)  R\Mii\cn,  Gaz.  mM.de  Paris,  184S. 


V 


DO 


venant  par  accès,  accompagnée  de  refroidissement  et  de 
lipothymies  et  ressemblant  en  tous  points  à la  douleur  de 
l’angine  de  poitrine.  C’est  une  douleur  interne,  déchiran- 
te, qui  se  fait  sentir  en  arrière  de  la  partie  muqueuse  du 
sternum.  Les  accès  de  constriction  thoracique  sont  remar- 
quables en  ce  qu’ils  sont  suivis,  comme  les  accès  d’angor, 
d’engourdissement  du  bras  et  de  l’épaule  gauche,  rempla- 
cés dans  quelques  cas  par  une  douleur  vive  et  passagère. 
D’après  certains  auteurs,  cette  précordialgie  est  si  violente 
que  la  mort  peut  survenir  dans  une  syncope.  Andral,  qui 
en  a rapporté  une  observation  devenue  classique,  avait  fait 
remarquer  cette  analogie  avec  l’angine  de  poitrine.  C’est 
la  douleur  de  la  péricardite  à forme  angineuse,  douleur 
que  Peter  a décrite  sous  le  nom  de  douleur  centrale. 

Wertheimer  établit  ainsi  la  pathogénie  de  la  douleur 
dans  la  péricardite  : 

Ainsi  que  l’a  montré  Bouillaud,  la  douleur  peut  être  due  ; 

1“  Aux  complications  ; 

2°  A la  réaction  de  l’intlammation  sur  les  nerfs  du  voisi- 
nage. 

Les  nerfs  en  rapport  avec  le  péricarde  sont  de  deux 
ordres:  1°  les  uns  situés  en  dehors  du  feuillet  fibreux  de 
la  séreuse  (phrénique et  ramifications  terminales  des  inter- 
costaux) ; 2^  les  autres  recouverts  par  le  feuillet  viscéral, 
(nerfs  cardiaques). 

De  là,  d’après  Peter,  deux  sortes  de  douleurs  : 

1°  Douleurs  périphériques  ; 

2°  Douleurs  centrales. 

I.  — La  douleur  périphérique  comprend  deux  subdivi- 
sions : 


— 50  — 


a)  Douleur  localisée  au  pourtour  de  l’organe. 

b)  Douleur  irradiée. 

a)  La  douleur  locale  a son  siège  sous  le  mamelon,  à la 
région  précordiale,  à l’épigastre,  quelquefois  au  coté  gau- 
che seulement  de  l’appendice  xyphoïde. 

/;)  La  douleur  irradiée  occupe  ces  points,  et  déplus, 
quand  elle  irradie  sur  le  phrénique,  le  cou,  l’épaule  et  le 
bras.  Le  plus  souvent  on  ne  trouve  que  deux  points  dou- 
loureux : 1°  point  costo-xyphoïdien  ; 2°  point  cervical.  Elle 
peut  simuler  la  pleurésie  diaphragmatique. 

Cette  douleur  est  d’un  pronostic  bénin.  C’est  un  signe 
utile  au  début  de  la  maladie  en  ce  qu’elle  précède  quelque- 
fois de  deux  ou  trois  jours  les  signes  physiques.  La  sensi- 
bilité épigastrique  et  le  point  sterno-mastoïdien  ont  une 
réelle  valeur. 

11.  — Les  douleurs  centrales  se  caractérisent  non  seu- 
lement par  une  excessive  intensité,  en  tout  semblable  à 
r angine  de  'poitrine,  mais  encore  par  les  troubles  de  la  cir- 
culation et  de  la  respiration,  et  les  phénomènes  généraux 
dont  elles  s’accompagnent. 

Elles  s’expliquent  par  une  névrite  cardiaque  aiguë  à la- 
quelle participent  également  le  pneumo-gastrique  et  le 
grand  symphatique. 

Les  douleurs  périphériques  n’aggravent  pas  le  pronos- 
tic : il  n’en  est  pas  de  même  des  secondes  qui,  dans  les 
observations  connues,  ont  toujours  été  liées  à des  cas 
d’une  gravité  exceptionnelle  (1). 


(1)  Obs.  d’ANDRAL,  Clin,  méd.,  t.  III;  — Graves,  t.  II  ; — Lkvet,  Gaz. 
méd.,  1842,  péricardites  traumatiques. 


Stokes  qui  rapporte  aussi  une  observation  de  péricar- 
dite (I  forme  angineuse  suivie  de  mort,  pensait  que  celte 
douleur  violente  était  due  à l’inflammation  du  muscle  car- 
diaque. Gueneau  de  Mussy  donne  à peu  près  la  même  ex- 
plication pallîogénique  que  M.  Peter  ; mais  pour  lui,  la 
douleur  serait  due  à l’inflammation  propagée  aux  filets 
nerveux  diaphragmatiques  enchâssés  dans  le  péricarde, 
tandis  que  pour  Peter,  elle  est  due  aussi,  quand  elle  prend 
la  forme  angineuse,  à la  participation  du  plexus  cardiaque 
et  du  pneumogastrique. 

Sibson  exprime  la  même  opinion  (1).  « Les  nerfs  si  im- 
portants et  si  nombreux  situés  à la  surface  du  cœur  et  des 
gros  vaisseaux,  peuvent  être  englobés  plus  ou  moins  parle 
travail  inflammatoire.  Or,  on  sait  qu’une  excitation  élec- 
trique du  nerf  vague  amène  le  ralentissement  des  mouve- 
ments cardiaqueë';  et  même  l’arrêt  du  cœur  en  diastole,  et 
la  diminution  de  la  tension  artérielle,  lorsque  cette  excita- 
tion est  très  forte  ; tandis  que  la  section  de  ce  nerf  produit 
l’accélération  cardiaque  et  l’augmentation  de  la  tension 
artérielle.  D’un  autre  côté,  le  ganglion  cervical  inférieur 
du  sympathique  exerce  une  influence  accélératrice  sur  le 
cœur  ; chez  la  grenouille,  les  cellules  gangligineuses  conte- 
nues dans  le  cœur,  sont  l’origine  de  contractions  automati- 
ques de  celui-ci.  Enfin  si  l’on  considère  que  la  surface  du 
myocarde  est  richement  pourvue  de  nerfs  en  connexion 
avec  le  pneumogastrique,  le  sympathique  et  les  ganglions 
intrinsèques  du  cœur,  et  que  ces  nerfs  doivent  être  affectés 
par  l’inflammation  du  péricarde,  on  en  conclut  que  cette 
affection  doit  jouer  un  rôle  important,  soit  en  stimulant, 

(1)  Sibson,  Péricarditis,  Reynold.  System,  ofmedicine,  1877. 


soit  en  paralysant  ces  nerfs,  de  façon  à accélérer  ou  ralen- 
tir les  mouvements  du  cœur,  à exciter,  et  plus  fréquem- 
ment déprimer  l’énergie  contractile  de  cet  organe,  et 
enfin  à augmenter  ou  à diminuer  la  tension  artérielle.  Enfin 
le  D’’  Weber  (1  ) admet  la  coexistence  de  l’angine  de  poi- 
trine avec  la  péricardite.  Il  y a d’après  lui,  un  processus 
pathogénique  analogue  à celui  de  V anyor  pectoris  par  sclé- 
rose des  coronaires  ou  par  aortite.  Mais  le  point  de  départ, 
la  cause  de  l’irritation  du  plexus  nerveux,  au  lieu  de  se 
trouver  dans  la  paroi  vasculaire  elle-même,  se  trouve 
agir  de  dehors  en  dedans  sur  les  vaisseaux.  On  peut  ob- 
server aussi  le  syndrome  angineux  dans  la  péricardite 
tuberculeuse.  Mais  c’est  une  affection  rare. 

Pour  M.  Huebard  la  forme  angineuse  semble  apparte- 
nir surtout  à la  péricardite  purulente.  D’après  lui, la  douleur 
est  uii  symptôme  très  inconstant  et  très  infidèle  de  la  pé- 
ricardite, et  nous  pouvons  avec  lui  formuler  les  conclu- 
sions suivantes  (2). 

1“  La  douleur  est  rare  ou  très  peu  accusée  dans  les  pé- 
ricardites secondaires  et  en  particulier  dans  la  péricardite 
sèche  d’origine  rhumatismale. 

2°  Dans  les  péricardites  secondaires,  l’existence  et  l’in- 
tensité des  douleurs  sont,  le  plus  souvent,  sous  la  dépen- 
dance des  complications  (pleurésie,  pneumonie,  pleurésie 
diaphragmatique  etc.). 


(1)  A Weber.  13e  l’angine  de  poitrine  symptomatique  d’une  affection 
du  cœur.  Archiv.  gén.  deméd.  1893. 

(2)  Extrait  du  tome  II  du  Traité  clinique  des  maladies  du  cœur  et  des 
vaisseaux.  En  préparation  (Paris  1894). 


3“  Dans  les  péricardites  purulentes  primitives  la  douleur 
semble  être  la  règle,  elle  affecte  souvent  la  forme  angi- 
neuse. 


* 

¥ ¥ 

Symphyse  du  péricarde. — La  douleur  a été  rarement 
signalée  dans  cette  aiïection  : quand  elle  l’a  été,  c’est  qu’elle 
était  survenue  par  suite  de  la  compression  des  nerfs  phré- 
niques (Tlîuvien).  Ces  accidents,  reconnaissables  au  point 
sterno-claviculaire  et  au  bouton  diaphragmatique,  pour- 
raient parfois  faire  songer  à des  symptômes  d’angor  ; mais 
il  ne  faut  pas  confondre  (Iluchard)  ces  douleurs  pseudo- 
angineuses qui  ne  tuent  jamais,  avec  la  véritable  angine  de 
poitrine  qui  peut  être  l’effet  de  la  symphyse  du  péricarde, 
par  suite  de  la  coüipression  que  les  exsudais  (ibro-mem- 
braneux  exercent  sur  les  artères  coronaires. 


H- 


4' 

■| 

il 


CHAPITRE  VI 


Douleurs  provoquées  (suite). 


Précordialgies  dans  les  maladies  du  cœur 

Toutes  les  affections  dans  lesquelles  nous  avons  jusqu’à 
présent  rencontré  le  symptôme  douleur  ne  sont  pas,  à dire 
vrai,  des  affections  du  cœur  ; au  moins  quand  nous  l’avons 
trouvé  en  concomittance  ne  pouvait-il  pas  être  rattaché  à 
ces  affections. 

Les  maladies  du  oœur  en  effet  ne  sont  pas  douloureuses 
en  elles-mêmes  ; quand  la  douleur  coexiste,  elle  reconnaît 
une  origine  artérielle  ou  nerveuse.  Cependant  beaucoup 
d’auteurs  ont  admis  la  douleur  dans  un  certain  nombre  d’af- 
fections organiques. 

Au  sujet  de  l’endocardite  aiguë,  les  opinions  concordent. 
D’après  Bouillaud  à qui  l’on  doit  la  première  description 
de  l’endocardite  aiguë  ; 

« Des  quatre  symptômes  généraux  que  les  pathologistes 
ont  assignés  à l’inflammation,  trois,  savoir  : la  chaleur,  la 
rougeur  et  la  tuméfaction  se  dérobent  complètement  à no- 
tre exploration  et  le  quatrième,  la  douleur,  manque  dans 
l’immense  majorité  des  cas.  Dans  ceux  où  cette  douleur 
existe,  elle  ne  dépend  point  directement  de  l’endocardite 
mais  bien  de  lacomplication  de  cette  maladie  avec  une  phleg- 


— 02  — 


.Il 

in 

masie  de  la  plèvre  el  du  péricarde  ».  Il  existe  seulement  M 
d’après  lui,  un  malaise  profond,  une  gêne  précordiale  et  .'a 
de  la  dyspnée.  •*1 

D’aprcjj  Peter  il  n’y  a pas  de  symptômes  de  l’endocar-  I 
dite  ; un  seul  signe  la  révèle,  le  souflle.  C’est  du  reste  l’a-  J 
vis  de  tous  les  auteurs  et  l’on  peut  dire  que  Vendocardile  . I 
n est  pas  douloureuse.  :V,j 

De  même  l’hypertrophie  simple  du  cœur  ne  s’accompa-  I 
gne  le  plus  souvent  que  de  gêne,  d’une  sensation  de  poids  I 
à la  région  précordiale  el  de  palpitations  incommodes. 

Les  affections  valvulaires  sont  également  indolentes  : J 

« Une  des  grandes  vérités  théoriques,  dit  Stokes,  que 
l’on  doit  au  génie  de  Laënnec,  c’est  que  l’affection  valvu-  ^ 
laire,  indépendante  de  toute  altération  organique  ou  fonc- 
tionnelle du  muscle  cardiaque,  ne  se  reconnaît  souvent  que 
par  l’examen  physique  et  reste  latente. 

Il  est  parfaitement  établi,  sur  des  observations  nombreu-  ^ = 
ses  que  le  cœur  a pu  dégénérer  lentement,  provoquer  des  • 
troubles  fonctionnels  secondaires  énormes  sans  que  le  cri  r 
de  l’organe  malade  vint  faire  soupçonner  le  premier  cou-  V 
pable  de  ces  désordres  (Bonneau).  ^ 

y 

* 

Quant  à la  myocardite,  un  certain  nombre  d’auteurs  ont 
mentionné  la  douleur  ; sans  parler  d’Hamernyk,de  Prague, 
qui  décrit  la  douleur  angineuse,  Bernheim  (1)  pense  qu’elle 
est  plus  fréquente  que  dans  l’endocardite  ou  la  péricardite. 
D’après  M.  Peter  (2),  à côté  de  la  douleur  angineuse  de  la 

(1)  Beunheim,  Thèse,  Strasbourg,  1866. 

(2)  M.  Peter,  Traité  des  ^naladies  du  cœur,  1883. 


1 


. ' l'a. 


myocardite,  il  y a une  douleur  provoquée,  nettement  ex- 
pressive. On  la  détermine  en  pressant  la  région  précordiale 
du  bout  du  doigt, eu  plein  cœur,  c’est-à-dire  en  déprimant 
assez  fortement  etSLiccessivement  les  troisième,  quatrième, 
cinquième  et  même  sixième  espaces  intercostaux  gauches 
au  voisinage  du  sternum,  et  en  s’éloignant  de  plus  en  plus 
de  cet  os  à mesure  que  l’on  presse  plus  bas.  Jamais,  au 
cas  de  myocardite,  on  ne  manque  de  provoquer  alors  une 
assez  vive  douleur.  Le  maximum  de  la  douleur  est  aux 
quatrième  et  cinquième  espaces  (quelquefois  au  sixième, 
en  cas  d’hypertrophie),  c’est-à-dire  au  niveau  des  ventri- 
cules ; or,  ce  sont  eux  en  effet  que  l’inflammation  frappe 
de  préférence  aux  oreillettes.  Dans  quelques  cas,  on  ne  pro- 
voque la  douleur  à la  pression  qu’au  cinquième  espace  in- 
tercostal gauche  (ou  au  sixième  en  cas  d’hypertrophie), 
c’est-à-dire  au  niveau  de  la  pointe  même  du  cœur,  si  sou- 
vent atteinte  de  myocardite  granulo-graisseuse  ou  dégé- 
nérante  La  douleur  provoquée  par  cette  pression  est 

assez  vive  pour  que  le  malade  s’y  dérobe  par  un  mouve- 
ment de  recul,  pour  que  quelquefois  il  s’en  plaigne  assez 
fortement,  pour  que  même  il  pousse  alors  un  léger  cri. 

M.  Peter  insiste  encore  sur  ce  fait  dans  le  dernier  volu- 
me de  ses  Clinigues  médicales  k d’un  cas  de  myo- 

cardite rhumatismale. 

Chez  tous  les  malades  qui  ont  été  soumis  à notre  obser- 
vation nous  avons  toujours  cherché  cette  douleur  que  dé- 
crit M.  Peter.  M.  Huchard,  notre  maître,  a souvent  attiré 
notre  attention  sur  ce  fait.  Nous  n’avons  jamais,  dans  la 

MYOCARDITE,  RENCONTRÉ  DE  DOULEUR  A LA  PRESSION^  PROPRE 
A CETTE  MALADIE. 


Nous  avons  cependant  toujours  exploré  avec  le  plus 
grand  soin  la  région  précordiale  des  nombreux  malades  de 
riiôpital  Bichat.  A chaque  fois  que  nous  avons  trouvé  des 
points  douloureux  1 ils  se  rattachaient  indubitablement  à 
un  état  névralgique  ou  névropathique.  Mais  la  plupart  du 
temps,  dans  les  myocardites  les  plus  évidentes,  les  mieux 
diagnostiquées,  nous  n’avons  trouvé  aucun  point  doulou- 
reux dans  la  région  du  cœur, 

« Les  points  douloureux  sont  très  rares,  dans  la  myocar- 
dite, si  même  ils  existent,  ditM.  Huchard  (1),  et  ils  n’ap- 
partiennent pas  au  cœur  devenu  douloureux  ; l’arythmie 
cardiaque  fait  souvent  défaut  et  la  symptomatologie  trop 
bruyante  attribuée  par  les  anciens  auteurs  aux  affections 
du  myocarde,  d’après  certaines  vues  théoriques,  est  con- 
traire à la  vérité.» 

Au  début  de  la  cardio-sclérose,  les  malades  ont  d’assez 
fréquentes  palpitations,  et  celles-ci  ont  souvent  pour  ca- 
ractère d’être  douloureuses,  angoissantes  et  souvent  noc- 
turnes. D’autres  fois  elles  sont  simplement  subjectives  et 
on  voit  des  malades  venir  s’en  plaindre  alors  qu’on  ne 
constate  aucune  augmentation  de  l’impulsion  et  des  batte- 
ments cardiaques. 

Souvent  ces  phénomènes  existent  dans  le  cours  des  af- 
fections valvulaires.  Mais  ou  ne  peut  les  ranger  que  dans 
les  symptômes  méiopragiques,  non  dans  les  symptômes 
douloureux. 

Ou  peut  observer  encore  dans  la  myocardite  chronique 
une  forme  à' arythmie  angoissante  paroxystique^  qui  sem- 

(1)  Huciiarü,  La  cardio-sclérose,  Revue  de  médecine,  1892. 


— 65  — 


ble  en  rapport  avec  les  accès  de  spasmes  des  artères  coro- 
naires au  début  de  la  maladie  (Ilucbard)  ; cette  arythmie 
s’accompagne  d’une  légère  sensation  d’angoisse  précor- 
diale. 

La  sensibilité  à la  pression  de  la  région  du  cœur  se  trou- 
ve chez  les  anémiques,  chez  les  chlorotiques  (Râcle  attri- 
buait à la  chlorose  toutes  les  douleurs  précordiales,  ou 
peu  s’en  faut),  et  chez  les  femmes  nerveuses.  On  la  rencon- 
tre encore  dans  les  cas  de  péricardite  sèche,  et  Ton  peut 
observer  chez  les  malTides  atteints  de  mal  angineux  une 
légère  hypéresthésie  cutanée.  En  dehors  de  ces  cas,  le 
cœur  artério-scléreux  n’est  pas  douloureux  à la  pression. 
Lorsque  les  douleurs  existent,  elles  prennent  le  caractère 
angineux  et  ne  sont  pas  provoquées  par  la  pression,  mais 
par  la  marche.  ' ^ 

Nous  insistons  beaucoup  sur  ces  faits  cliniques  parce 
qu’ils  ont  une  haute  importance  au  point  de  vue  thérapeu- 
tique. Le  diagnostic  permet  de  formuler  une  contre  indica- 
tion aux  révulsifs  dans  la  myocardite  : « Les  vésicatoires, 
capables  de  calmer  la  douleur  et  d’anémier  les  parties  sous- 
jacentes  ne  sont  pas  indiqués  dans  une  maladie  où  le  prin- 
cipal danger  réside  dans  l’ischémie  du  myocarde  (1)  ». 

Nous  pouvons  dire  en  un  mot,  que  les  cardiopathies  val- 
vulaires ne  sont  pas  douloureuses.  Elles  ne  peuvent  l’être 
que  par  distension  douloureuse.  Les  cardiopathies  artériel- 
les le  sont  souvent-^  elles  peuvent  l’être  parce  que  la  dou- 
leur procède  de  l’artérite  des  coronaires. 


(i)  Huchard,  Trailemenl  et  curahüilé  des  cardiopathies  artérielles.  (Bull, 
de  thérap.,  1 892). 

ClIEVILLOT  5 


— 60  — 


11  est  un  fait  à signaler,  en  effet,  c’est  que  les  artérites 
sontdesmaladies  essentiellement  douloureuses.  INothnagel 
qui  tout  dernièrement  a parlé  des  douleurs  vasculaires 
n’a  fait  que  rééditer  ce  qui  est  bien  connu  en  France  (1). 

Si  l’on  veut  une  preuve  de  ce  fait  que  les  artérites  sont 
douloureuses,  ou  n’a  qu’à  songer  à l’intensité  des  douleurs 
delà  gangrène  sénile,  de  l’asphyxie  des  extrémités  et  de 
celles  qui  accompagnent  la  compression  des  anévrysmes, 
comme  l’a  fait  observer  Le  Fort  (2)  ; 

« Quant  à l’intensité  des  douleurs  ressenties  au  moment 
de  l’attaque  angineuse,  elle  n’a  rien  d’étrange  pour  les 
chirurgiens  qui  ont  pratiqué  la  compression  digitale  sur 
les  anévrysmes;  tous  savent  qu’à  un  certain  moment, 
quand  l’ischémie  devient  complète  par  la  formation  d’un 
coagulum,  le  malade  accuse  dans  tout  le  membre  des  dou- 
leurs atroces  tout  à fait  comparables  sauf  pour  le  siège, 
à celles  de  l’angine  de  poitrine  ». 

A.  Weber  insiste  sur  ce  qu’il  appelle  « douleurs  péri- 
phériques rhiimaloïdes  (3)  »,  véritables  crises  de  crampes 
douloureuses,  de  courte  durée,  mais  se  renouvelant  fré- 
quemment, et  constituant  ainsi  de  véritables  attaques.  Ces 
douleurs  s’observent  au  début  et  dans  le  cours  de  l’artério- 
sclérose et  sont  dues  à l’artérite. 

Les  anévrysmes,  par  eux-mêmes  ne  sont  pas  douloureux. 
Ils  peuvent  le  devenir  par  la  compression  qu’ils  exercent 

(1)  Nothnagel,  Zeilschr.  fiir  Klin,  med.,  Bd.  19,  lift.  3. 

(2)  Le  Fort,  Ac.  de  médecine,  1893. 

(3)  A.  Weber,  De  l’angine  de  poitrine  et  de  l’artério-sclérose.  Arc/i.  de 
médecine, 


sur  les  parties  voisines  qui  se  trouvent  ainsi  ischémiées. 
L’angine  de  poitrine  s’observe  très  fréquemment  dans  les 
anévrysmes  du  cœur,  modalité  anatomique  qui  précède 
souvent  la  rupture  de  cet  organe  (Weber),  Les  anévrysmes 
de  la  crosse  de  l’aorte  peuvent  causer  des  douleurs  en  com- 
primant les  nerfs  de  la  région. 

Enfin  les  tumeurs  du  cœur  sont  indolentes.  Ni  le  carci- 
nome, ni  la  tuberculose,  ni  la  syphilis  du  cœur,  pour  ne 
parler  que  des  plus  fréquentes, ne  donnent  lieu  à des  symp- 
tômes douloureux.  On  a seulementnoté  souvent  la  coïnci- 
dence de  la  syphilis  et  de  l’angine  de  poitrine.  On  sait  du 
reste  que  la  syphilis  est  rangée  parmi  les  causes  fréquentes 
de  Partério-sclérose. 


CHAPITRE  VII 


Précordialgies  provoquées  par  la  pression. 


NÉVRALGIE  ET  PLEURÉSIE  I3IAP11RAGMATIQÜES  GAUCHES 

Cette  troisième  catégorie  de  précordialgies  comprend 
les  affections  nerveuses,  dans  lesquelles  la  douleur  peut 
exister  sans  qu’il  soit  besoin  de  la  provoquer,  mais  dans 
lesquelles  elle  se  réveille  et  s’exagère  toujours  par  la  pres- 
sion du  doigt.  Nous  consacrons  à la  névralgie  diaphragma- 
tique une  étude  un  peu  fllus  longue  qu’aux  autres  névro- 
ses, parce  qu’elle  nous  a semblé  plus  Importante  et  d’un 
diagnostic  souvent  plus  délicat. 

La  névralgie  du  nerf  phrénique,  signalée  par  Bouillaud 
qui  la  considère  comme  la  cause  de  la  précordialgie  dans 
la  péricardite,  a été  complètement  étudiée  par  Guéneau  de 
Mussy,  Huchard,  Peter  et  Hermil  dans  sa  thèse  inaugu- 
rale. 

Guéneau  de  Mussy  (1)  a reconnu  que  la  pleurésie  dia- 
phragmatique emprunte  ses  principaux  traits  à la  douleur 
du  nerf  phrénique,  et  Peter  (2)  a démontré  que  c’est  à la 
névralgie  diaphragmatique  qu’il  faut  attribuer  la  douleur, 
souvent  intense,  de  la  pleurésie  diaphragmatique.  On  peut 
donc  réunir  dans  une  même  élude  la  pleurésie  et  la  névral- 
gie diaphragmatiques.  Pour  nous  conformer  au  but  deno- 

(1)  Guéneau  de  Mussy,  Clin.  miki. 

(2)  M.  Peter,  Névralgie  diaphragnuUû/uc . 


— 70  — 


tre  travail  nous  n étudierons  ces  affections  que  lorsqu’el- 
les siègent  du  côté  gauche. 

Cette  douleur  qui,  dans  la  pleurésie,  apparaît  en  même 
temps  que  les  frissons,  occupe  la  région  de  l’hypocondre 
gauche  avec  irradiations  vers  le  creux  épigastrique,  quel- 
quefois vers  la  partie  inférieure  de  la  région  dorsale,  en 
suivant  la  ligne  des  insertions  costales  diaphragmatiques, 
et  aussi,  rarement,  le  long  du  hord  externe  du  sternum 
et  jusque  dans  le  moignon  de  l’épaule  (1). 

Cette  douleur  est  très  vive,  s’exaspère  par  le  moindre 
mouvement,  par  la  toux  et  par  le  hoquet  qui  font  partie  du 
cortège  symptomatique  de  la  pleurésie  diaphragmatique, 
et  surtout  par  la  pression.  Guéneau  de  Mussy,qui  a recher- 
ché avec  le  plus  grand  soin  les  points  douloureux,  a déter- 
miné avec  précision  le  point  où  la  douleur  à la  pression 
atteint  son  maximum.  Ce  point,  connu  sous  le  nom  de 
« hoiiton  diaphragmatique  de  Guéneau  deMussy  »,  est  situé  ’ 
à un  ou  deux  travers  de  doigt  de  la  ligne  blanche  à la  hau-  ■ 
teur  de  la  dixième  côte,  ou  assez  exactement  à l’intersec- 
tion de  deux  lignes  dont  l’une  continuerait  la  partie  os- 
seuse de  la  dixième  côte,  et  dont  l’autre  prolongerait  le  i 
bord  externe  du  sternum  (2). 

Cet  auteur  a étudié  avec  la  même  exactitude  la  névralgie 
phrénique  qui  accompagne  toujours,  d’après  lui,  la  névral- 
gie diaphragmatique.  — On  provoque  nettement  la  dou-  ï. 
leur  du  phrénique  en  portant  le  bout  de  l’index  entre  les 
deux  faisceaux  du  sterno-cléïdo-mastoïdien,  de  façon  à 
comprimer  le  nerf  entre  le  doigt  et  le  muscle  scalène  anté- 

(1)  UmmL,  Pleurésie  diaphragmatique,  thèse,  Vans,  1879  ;> 

(2)  Guéneau  de  Mussv,  Archives  de  médecine^  1853.  t. 


f 


71 


rieur.  La  douleur  esl  vive,  irradie  le  long  du  bord  externe 
du  sternum  et  s’étend  jusqu’à  la  base  de  la  poitrine  qu’il 
immobilise  aussitôt  (Mermil). 

Le  diaphragme  est  aussi  le  siège  d’une  vive  douleur  que 
l’on  peut  provoquer  eu  refoulant  les  viscères  par  une  pres- 
sion sur  les  hypocondres. 

La  douleur,  comme  on  le  voit,  a été  étudiée  avec  le  plus 
grand  soin,  car  elle  est  typique,  et  ne  permet  pas  la  con- 
fusion. On  peut,  avec  llermil,  diviser  les  douleurs  en  trois 
classes. 

lo  Douleurs  résidant  dans  les  filets  terminaux  du  nerf 
phrénique,  qui  peuvent  être  spontanées  ou  provoquées. 

2“  Douleurs  résidant  dan^  le  tronc  du  nerf  phrénique, 
rarement  spontanées,  mais  pouvant  être  provoquées  par 
la  toux.  Le  malade  alors,  dit  Peter,  fait  cesser  exactement 
l’anatomie  de  son  phrénique. 

3“  Douleurs  par  propagation  : douleurs  d’irradiation  et 
douleurs  réflexes.  On  les  observe  dans  le  flanc,  dans  la 
fosse  iliaque,  et  surtout  dans  la  région  sus-claviculaire  du 
côté  affecté. 

En  résumé,  ce  ne  sont  que  douleurs  névralgiques,  qi^il 
s’agisse  seulement  de  névralgie  ou  de  pleurésie  diaphrag- 
matiques. Peter  a démontré  qu’il  y avait  aussi  névrite  du 
phrénique,  et  cette  dernière  lésion  peut  persister  après  la 
guérison  de  la  névralgie.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  la 
névralgie  diaphragmatique  peut  être  primitive. 

D’après  M.  Huchard  (1),  elle  est  caractérisée  par  des 
symptômes  douloureux  et  des  troubles  fonctionnels. 

(1)  II.  Hüchabd,  Leçon  sur  la  pleurésie  diaphragmatique,  Gaz.  méd.  de 
Paris,  1892. 


— 72  — 


A.  — Sj/mplômes  douloureux.  Les  douleurs  sont  sponta- 
nées ou  provoquées  comme  dans  toutes  les  névralgies.  Les 
malades  accusent  une  sensation  de  souffrance  au  bas  de  la 
poitrine,  dans  l’épaule,  au  cou,  parfois  aussi  à la  nuque  et 
à la  mâchoire. 

11  y a quatre  points  douloureux  principaux  : 

1°  Point  cervical  à la  partie  latérale  du  cou,  en  dehors 
du  chef  interne  du  sterno-mastoïdien. 

2°  Point  sternal,  au  niveau  du  deuxième  ou  du  troisième 
espace  inlercostal. 

3“  Points  costaux,  aux  insertions  du  diaphragme  surtout 
à la  neuvième  côte. 

4“  Points  apophysaires  (2°,  3“,  4®  et  5®  vertèbres  cervi- 
cales, surtout  3°  et  4°). 

Les  malades  se  plaignent  beaucoup  plus  de  la  douleur 
diaphragmatique  antérieure  que  de  la  douleur  rétro-ster- 
nale (Peter). 

Douleurs  d’irradiation  par  ordre  de  fréquence  ; 

1 ° Plexus  cervical  ; 

Douleur  des  nerfs  sus-claviculaires  ; 

Douleur  de  la  région  latérale  du  cou  ; 

Douleur  de  la  mâchoire  inférieure  ; 

Gêne  dans  la  mastication. 

2“  Plexus  brachial  ; 

Douleur  de  l’épaule  (nerf  circonflexe)  ; 

Douleur  de  la  partie  interne  du  bras  (accessoire  du  bra- 
chial cutané  interne)  ; 

Douleur  du  coude  et  du  petit  doigt  (cubital). 

D.  — Les  troubles  fonctionnels  intéressent  la  respiration 


73  — 


(pénible  à cause  de  la  douleur  entravée  par  le  hoquet),  la 
inaslicalion,  gênée  et  douloureuse,  la  locomotion  du  bras 
gauche  et  quelquefois  la  circulation. 

Diagnostic. — D’après  M.  Dieulafoy  (1  ) quiconsidèrelVm- 
(jor  comme  une  névralgie  cardiaque,  le  diagnostic  doit  être 
fait  avec  cette  dernière  affection. 

La  névralgie  du  nerf  phrénique,  primitive  ou  consécu- 
tive à une  pleurésie  diaphragmatique,  à une  péricardite 
aigue,  se  traduit  par  un  ensemble  de  symptômes  (siège  de 
la  douleur,  dyspnée,  hoquet),  qui  permet  de  la  distinguer 
de  la  névralgie  cardiaque.  Mais  cette  névralgie  du  nerf 
phrénique  est  quelquefois  associée  directement  (névrite), 
ou  indirectement  (irradiation  réflexe),  à la  névralgie  du 
plexus  cardiaque,  et  il  y a dans  ce  cas-là  une  association 
de  douleurs  qui  portent  à la  fois  sur  l’innervation  de  la 
circulation  parle  plexus  ôardiaque  et  sur  l’innervation  de 
la  respiration  par  le  nerf  phrénique. 

(1)  Dieülafoy,  Pathologie  interne,  t.  1,  p.  394. 


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CHAPITRE  VIII 


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Douleurs  provoquées  (suite  et  fin). 


Nous  étudierons  maintenant,  très  brièvement  toutes  les 
atîections  organiques  ou  névralgiques  qui  peuvent  donner 
lieu  à une  douleur  de  la  région  précordiale,  dont  le  dia- 
gnostic est  relativement  facile,  et  qui  ne  peuvent  faire 
naître  l’idée  d’une  affection  du  cœur  que  dans  l’esprit  du 
malade.  Nous  nous  plaçons  toujours  au  point  de  vue  du 
diagnostic  avec  la  douleur  des  affections  du  cœur  et  des 
vaisseaux. 


I.  — Névralgie  intercostale. 

La  névralgie  intercostale,  qui,  sans  discussion  est  l’une 
des  plus  fréquentes,  a son  siège  dans  les  filets  des  nerfs 
thoraciques.  Les  nerfs  intercostaux,  au  nombre  de  douze, 
ont  chacun  deux  branches,  rune  postérieure^  se  ramifiant 
dans  les  muscles  de  la  gouttière  vertébrale,  l’autre  anté- 
rieure, sous-pleurale  et  sous-musculaire. 

La  douleur, la  névralgie  intercostale,  siège  ordinai- 
rement dans  les  cinquième,  sixième  et  septième  espaces 
intercostaux.  Elle  est  beaucoup  plus  fréquente  à gauche,  et 
souvent  occupe  les  deux  côtés  de  la  poitrine. 

On  peut  diviser  les  douleurs  de  la  névralgie  dorso- 


76  — 


intercostale  en  deux  variétés  : spontanée  et  provoquée. 
La  douleur  spontanée  manque  souvent.  Ln  somme  on  peut 
dire  que  la  névralgie  intercostale  est  révélée  parla  douleur 
à la  pression  aux  points  d’émergence  des  nerfs,  mais  qu’il 
peut,  dans  certains  cas  aigus,  persister  une  douleur  conti- 
nue qui  s’exagère  à la  pression  ou  aux  mouvements  (sur- 
tout mouvements  de  latéralité).  Ce  sont  alors  des  douleurs 
en  ceinture  qui  s’accompagnent  de  malaise  général  avec 
accélération  du  pouls.  Rombergacilé  des  cas  dans  lesquels 
la  compression  amenait  la  sédation  des  douleurs. 

C’est  la  pression  qui  fait  découvrir  les  trois  points  dou- 
loureux de  la  névralgie  intercostale,  points  qui  peuvent 
cependant  faire  défaut  et  qui  sont,  par  orde  de  fréquence  : 

1°  hQ  point  vertébral  au  niveau  de  la  sortie  du  nerf  du 
trou  de  conjugaison. 

2°  Le  i^oint  antérieur,  ou  sternal,  ou  épigastrique,  sur 
les  cartilages  costaux,  près  du  sternum. 

3°  Le  point  latéral  au  milieu  de  l’espace  intercostal.  On 
peut  en  pressant  l’im  de  ces  points  provoquer  un  retentis- 
sement douloureux  sur  tout  le  trajet  du  nerf. 

Desnos  a signalé  quelques  autres  points  (épigastrique, 
xyphoïdien,  cardiaque)  beaucoup  plus  rares.  Ce  qu’il  im- 
porte de  mentionner,  c’est  que  plusieurs  points  doulou- 
reux peuvent  manquer,  mais  que  l’on  provoque  toujours 
une  douleur  à la  pression. 

La  névralgie  intercostale  n’est  pas  isolée  ordinairement  : 
elle  coïncide  soit  avec  la  névralgie  phrénique,  soit  avec  la 
névralgie  des  nerfs  du  plexus  lombo-abdominal.  Elle  peut 
irradier  vers  le  bras.  D’après  Piorry  elle  donnerait  lieu  à 
de  la  splénomégalie.  Elle  alterne  très  souvent  avec  d’autres 


— 77  — 


W 


névralgies.  Elle  s’observe  souvent  dans  la  phthisie  pulmo- 
d,  naire  et  dans  la  période  prodromique  du  zona. 

' C’est  à la  névrite  des  intercostaux  qu’il  faudrait,  d’après 
Beau,  rattacher  la  douleur  de  la  pneumonie  et  de  la  pleu- 
résie. La  névralgie  intercostale  dont  on  peut  reconnaître 
au  point  de  vue  de  l’étiologie,  trois  formes  différentes  : 
idiopathique,  symptomatique  et  sympathique,  est  fré- 

■ quente  dans  les  affections  de  l’estomac  (forme  sympathi- 
i que),  et  dans  les  affections  de  l’utérus. 

Elle  peut  se  confondre  avec  le  rhumatisme  intercostal  ou 
J ' pleurodynie  (Valleix).  On  a d’ailleurs  trouvé  de  nomhreu- 

■ ses  variétés  dans  les  divers  états  nerveux  (myosalgie  ou 
\ myodomie  de  l’hystérie),  et  avec  l’angine  de  poitrine,  dont 
i nous  avons  indiqué  les  différences. 

Le  pronostic  est  toujours  bénin. 

I 

f Nous  devons  mentionner  aussi  la  mastodynie  ou  névral- 
^ gie  mammaire  qui  se  manifeste  par  des  douleurs  lancinan- 
tes  qui  traversent  le  sein  (sein  douloureux  des  névropa- 
1 thés),  et  qui  peuvent  irradier  vers  l’aisselle. 

i 

j II.  — Pleurodynie. 

\ 

f . Dans  la  pleurodynie  ou  rhumatisme  intercostal  il  existe 
. . une  douleur  interrnitente  et  aiguë  au-dessous  et  en  dehors 

du  mamelon.  C’est  une  douleur  d’endolorissement  qui 
augmente  à la  pression,  et  qui  est  toujours  très  superfi- 
cielle. 

D’après  Valleix  (1)  elle  se  confond  avec  la  névralgie  in- 

(1)  Valleix,  Traité  des  nêvralrjies. 


— 78 


lercoslale,  el  a pour  caraclcre  de  s’exagérer  au  moment 
des  changements  de  position  du  malade.  Elle  n’a  du  reste 
pas  d’autre  traitement  que  celui  des  névralgies  en  général. 

Chez  les  anémiques  et  les  chlorotiques  et  surtout  chez 
les  nerveux,  on  observe  une  sensibilité  anormale  de  la  pa- 
roi précordiale  ainsi  que  des  palpitations  douloureuses  ; la 
paroi  est  sensible  en  dehors  et  en  dedans  : la  pointe  du 
- cœur  en  frappant  contre  une  paroi  hyperesthésiée  déter- 
mine la  production  de  ces  palpitations  douloureuses  qui 
sont  purement  subjectives  et  que  le  médecin  ne  reconnaît 
pas.  C’est  là  une  forme  fréquente  de  speudo-palpitations. 
Nous  ne  parlons  pas  de  celles  qui  peuvent  précéder  ou  ac- 
compagner une  affection  cardiaque.  Nous  possédons  à ce 
sujet  une  intéressante  observation  que  nous  ne  pouvons 
malheureusement  publier. 

III.  — Pneumonie  et  pleurésie. 

Le  point  de  côté  de  la  pneumonie  a été  observé  de  tout 
temps,  depuis  Hippocrate  lui-même.  11  est  dû,  d’après  Pe- 
ter, à l’irritation  phlogistique  de  l’organe  à son  enveloppe 
ce  qui  fait  que  l’on  peut  le  constater  loin  du  point  atteint, 
puisqu’il  existe  au-dessous  du  mamelon  même  dans  les 
pneumonies  du  sommet.  Ce  n’est  ni  le  poumon,  ni  la  plè- 
vre qui  souffrent  dans  ce  cas,  ce  sont  les  nerfs  intercos- 
taux. Mais  ce  point  douloureux  se  trouve  rarement  dans 
la  région  précordiale  proprement  dite.  11  est  donc  rare 
que  la  douleur  de  la  pneumonie  puisse  appartenir  à la  des- 
cription des  précordialgies. 

C’est  vers  la  fin  du  premier  jour,  ou  au  commencement 


du  second  qu’appariiissenl  la  douleur,  la  loux  et  la  dysp- 
née. La  douleur  se  révèle  sous  la  forme  d’un  point  de  côté 
qui  siège  le  plus  souvent  au-dessous  du  mamelon  et  qui 
est  exaspéré  par  les  expirations  saccadées  de  la  loux. 

La  douleur  de  la  pleurésie,  d’après  Beau  comme  celle 
de  la  pleurésie  est  une  névropathie  intercostale  résultant 
d’une  névrite,  Piorry  et  Bouillaud  les  attribuent  à une  né- 
vralgie intercostale.  M.  Peter,  comme  ces  auteurs,  admet  la 
névropathie  intercostale  cause  de  la  douleur  pleurétique, 
que  l’on  retrouve  aussi  bien  dans  la  pneumonie  que  dans 
la  pleurésie. 

Cette  douleur  et  celle  de  lapleurésie,qui  lui  ressemble  en 
louspoints  peuvent  être  étudiées  ensemble.  Peler  attire  l’at- 
tention sur  ce  fait  querintlammalion  propagée  à toutes  les 
grandes  séreuses  est  redoutable  (méningite,  péricardite, 
péritonite)  et  qu’il  faut  faire  exception  pour  la  plèvre,  par 
ce  qu’elle  est  isolée  des  plexus  pulmonaires  que  l’incen- 
die pleurétique  ne  saurait  atteindre.  » Ce  n’est  donc  pas 
sur  la  nature  et  l’intensité  du  point  de  côté  qu’il  faut  baser 
le  pronostic  de  la  pneumonie  ou  de  la  pleurésie,  pas  plus 
qu’il  ne  faudrait  y fonderie  diagnostic,  mais  sur  les  signes 
fournis  par  la  température,  l’auscultation  et  l’expectora- 
tion. La  douleur  ne  dure  pas  plus  de  trois  ou  quatre  jours. 
Nous  n’y  insistons  pas  davantage,  l’ayant  déjà  étudiée  en 
gramïe  partie  dans  le  chapitre  de  la  pleurésie  diaphragma- 
tique. 

IV.  — Phtisie,  pneumothorax,  affections 
des  poumons,  etc. 

La  douleur  peut  exister  dans  la  phtisie  pulmonaire  : 
elle  se  fait  surtout  sentir  entre  les  deux  épaules.  Mais 


1 


— 80  — 

on  |)Ciil  observer  d’antres  points  douloureux  ; c’est  sur- 
tout dans  les  trois  |)remiers  espaces  intercostaux  que  se 
manifeste  celte  douleur,  et  l’on  y observe  aussi  fréquem- 
ment de  la  névralgie  phrénique. 

Le  pneimolhorax ^ s’annonce  la  plupart  du  temps  par 
une  douleur  subite,  très  intense,  mais  qui  ne  dure  que 
quelques  secondes.  Cette  douleur  peut  faire  défaut.  Les 
autres  affections  du  poumon  sont  indolentes. 

On  peut  cependant  observer  dans  X œdème  aigu  du  pou- 
mon^ non  une  douleur,  non  une  dyspnée,  mais  une  an- 
goisse respiratoire  extrême  que  l’on  ne  doit  confondre,  ni 
avec  une  précordialgie,  ni  avec  la  dyspnée,  ni  avec  l’an- 
goisse cardiaque  de  l’angine  de  poitrine. 

Enfin  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  névralgies  ne  sont 
pas  toujours  périphériques,  mais  qu’elles  peuvent  devenir 
centrales,  de  même  qu’elles  peuvent  être  primitivement 
centrales,  et  c’est  souvent  le  diagnostic  de  cqs  edgies  cen- 
trales dont  nous  avons  déjà  parlé,  qui  est  le  plus  difficile  à 
faire. 


V.  — Affections  de  l’estomac  et  du  foie. 

La  cardialgie  ou  névralgie  de  l’estomac,  vulgairement 
appelée  crampe  d'estomac  (1)  ne  doit  pas  se  confondre  avec 
la  gastralgie.  C’est  une  affection  dontle  diagnostic  doit  être 
fait  avec  les  coliques  hépatiques  quand  elle  irradie  du  côté 
droit,  et  qui  peut  se  manifester  sous  la  forme  d’une  pré- 
cordialgie quand  elle  irradie  du  côté  gauche.  Stokes  avait 

(1)  Gueneau  DK  Müssy.  Clin.  Mêd.  T.  I. 


81 


donc  raison  de  dire  que  l’on  pouvait  coufondre  les  dou- 
leurs gastriques  avec  les  douleurs  del’angor,  et  surtout  de 
la  péricardite  à forme  angineuse. 

D’après  Guéneaude  Mussy,  la  cardialgie  est  caractérisée 
par  une  douleur  soudaine,  revenant  par  accès  plus  ou 
moins  rapprochés  ; elle  peut  être  pongitive  et  surtout  an- 
(joïasante. 

D’après  Romberg  le  siège  en  est  dans  le  plexus  solaire. 

Elle  survient  surtout  chez  les  névropathes,  et  chez  les 
arthritiques. 

Comme  nous  l’avons  dit,  les  trqubles  d’origine  gastro- 
intestinale peuvent  donner  lieu  à des  précordialgies  pseudo- 
angineuses. 

Enfin  les  coliques  hépatiques  peuvent  donner  lieu  à des 
accidents  cardialgiques  (Potain)  ; elles  peuvent,  comme  la 
cardialgie,  donner  lieu  à des  irradiations  douloureuses  du 
côté  delà  région  cardiaque  et  à des  précordialgies  pseudo- 
angineuses, ainsi  que  nous  en  rapportons  un  exemple. 


VI.  — Zona. 


Le  zona  se  manifeste  par  des  douleurs  qui  surviennent 
sur  le  trajet  du  nerf  atteint,  ou  même  par  des  douleurs 
diffuses,  consécutivement,  d’ordinaire  à un  malaise  géné- 
ral parfois  appréciable.  Le  zona  est  surtout  douloureux 
(Peter)  chez  les  rhumatisants  et  les  dartreux.  11  y a lésion 
des  ganglions  intervertébraux  et  des  nerfs  qui  en  émanent. 
L’éruption , qui  permet  facilement  le  diagnostic,  suit  le  tra- 
jet des  nerfs  douloureux  et  les  vésicules  abondent  au  ni- 


CllEVILLOT 


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veau  des  points  sensibles.  Les  douleurs  persistent  souvent 
après  la  disparition  des  vésicules. 

Nous  devons  signaler  ici  le  fait  très  intéressant  d’un 
zona  d'origme  aortique  et  qui  peut  se  résumer  de  la  façon 
suivante  (1  ) : 

Chez  une  malade  atteinte  d’insuffisance  avec  dilatation 
aortique  et  accès  d’angine  de  poitrine  coronarienne,  l’en- 
do-aortite  produit  de  la  peri-aortite,  et  cette  dernière, 
par  une  propagation  inflammatoire,  produit  de  la  névrite 
du  plexus  cardiaque  et  du  phrénique,  d’où  les  douleurs 
pseudo-angineuses  permanentes  et  spontanées  l’on  ob- 
serve chez  elle.  La  péricardite  de  la  base  s^’étend  et  devient 
intense  ; de  proche  en  proche  la  névrite  gagne  les  filets  du 
plexus  cervical  superficiel,  avec  lequel  les  nerfs  phréniques 
sont  en  connexion,  et,  à la  faveur  de  celte  phlegmasie, 
peut-être  aussi  de  causes  infectieuses,  on  voit  évoluer  une 
névrite,  c’est-à-dire,  un  zona  du  plexus  cervical  superficiel. 

VII.  — Traumatismes  de  la  poitrine. 

Les  traumatismes  de  la  poitrine,  (contusions,  enfonce- 
ments ou  fractures  de  côtes),  de  même  que  les  lésions  chi- 
rurgicales (ostéites  etc,)  des  côtes  peuvent  donner  lieu  à 
des  douleurs,  dont  le  diagnostic  sera  généralement  facile  à 
établir  par  l’interrogatoire  et  l’examen  du  malade. 

L’examen  local,  la  présence  de  la  crépitation  indique- 
ront la  nature  de  l’affection,  comme  dans  le  cas  que  cite 
M.  Peler,  où  les  renseignements  donnés  étaient  contradic^ 
toires. 

(1)  llüciiAUD,  Mal.  du  cœur  et  des  vaisseaux,  ire  édil. 


83  — 


Les  contusions  de  la  poitrine  (Gosselin,  l'eter),  peuvent 
donner  lieu  à des  douleurs  qui  persistent  longtemps,  et 
peuvent  faire  croire  à de  l’ostéite  (mais  il  n’y  a pas  de 
gonlleraent  de  l’os)  et  qui  sont  dues  à une  névrite  intercos- 
tale consécutive. 

Indications  thérapeutiques. 

« On  ne  soigne  pas  les  maladies,  on  soigne  des  mala- 
des, il  n’y  a pas  de  maladies  locales,  mais  des  maladies 
localisées  » (1)  ; c’est  à la  fois  de  la  notion  du  malade  et  de 
la  maladie  que  devront  être  déduites  les  applications  thé- 
rapeutiques. 

Les  précordialgies,nous  avons  essayé  de  le  montrer, sont 
dues  aux  causes  les  plus  diverses,  c’est  à cette  cause  que 
devront  s’adresser  les  médications  que  nous  tenons  à résu- 
mer à grands  traits. 

L'angine  de  poit7'ine  coronarienne^  maladie  d’origine  ar- 
térielle sera  justiciable  d’un  traitement  artériel.  11  y a trois 
indications  principales  à remplir  : 

1°  Combattrel’hypertension  parle  traitement  hygiénique 
et  médicamenteux. 

2®  Combattre  le  développement  de  l’artério-sclérose. 

3°  Faciliter  le  travail  du  cœur  en  s’adressant  aux  vais- 
seaux. 

Le  traitement  hygiénique  consistera  en  une  vie  calme, 
exempte  d’émotions,  de  fatigues,  etc;  on  évitera  la  marche 

(1)  Hüchard,  Le  Traitement  de  Vangine  de  poitrine.  Gaz.  des  Hop.,  22 
et  24  septembre  1892, 


— 84 


prolongée,  la  moulée  des  escaliers,  le  vent,  le  bord  de  la 
mer  ; on  combaltera  la  constipalion,  et  l’on  se  livrera  à un 
exercice  modéré  (courtes  promenades  à pied,  massage, 
frictions,  contractions  passives  des  muscles).  M.  Iluchard 
insiste  sur  le  régime  végétarien,  l’abstinence  de  tabac  et 
d’alcool. 

h'aortite  pourra  être  combattue  par  l’emploi  des  révul- 
sifs (cautères,  vésicatoires,  pointes  de  feu,  teinture  d’iode) 
sur  la  région  précordiale  ; quant  aux  effets  de  la  lésion  des 
coronaires,  la  thérapeutique  possède  contre  eux  deux  mé- 
dicaments, les  iodures  et  les  nitrites. 

Les  iodures,  qui  abaissent  la  tension  artérielle  pourront 
être  prescrits  de  la  façon  suivante  : 

1®  Eau  distillée 300  grammes. 

lodure  de  sodium 10  à 20  — 

Extrait  thébaïque 10  centigr. 

Deux  à trois  cuillerées  à soupe  par  jour. 


2“  Eau  distillée 

lodure  de  sodium o à 

Arséniate  de  soude 

Deux  à trois  cuillerées  à café  par  jour. 


loO  grammes. 
10  — ' 

5 centigr. 
(Huchard) 


Au  moment  des  accès,  les  inhalations  de  nitrite  d’amyle 
(trois  ou  quatre  gouttes  sur  un  mouchoir)  la  trinitrine  à 
l’intérieur  d’après  la  formule  : 

Eau  distillée lOO  grammes. 

Solutionalcooliquede  trinitrineau  100'  L gouttes. 

Deux  à quatre  cuillerées  à soupe  par  jour,  ou  encore  en 
injections  hypodermiques  ; le  nitrite  de  sodium  (Maltliew 
Hay,  d’Edimbourg)^  sera  employé  avec  succès. 

L’opium  et  surtout  l’électricité,  la  cocaïne,  les  bromures 


— 85  — 


et  tous  les  antinévralgiques  ne  sont  pas  indiqués;  ils  n’ont 
pas  d’action,  peuvent  être  dangereux  et  ne  réussissent  que 
dans  les  précordialgies  pseudo-angineuses  d’origine  né- 
vrosique. » 

Il  en  est  de  même- des  émissions  sanguines,  et  des  mé- 
dicaments cardiaques  qui  ne  sont  pas  indiqués. 


Les  précordialgies  pseudo-angineuses  seront  combat- 
tues suivant  l’indication  fournie  par  leur  pathogénie  : 

1°  Pseudo-anfjine  spasmo-labafiique,  supprimer  le  tabac, 
combattre  la  dyspepsie  nicotinique 

2“  Pseudo-angine  névralgique , médication  anti-nerveu- 
se, anti-névralgique  ou  névritique,  stypage,  pulvérisations 
de  chlorure  de  méthyle,  etc. 

3°  Pseudo-angine  réflexe,  médication  anti-dyspeptique, 
antisepsie  intestinale,  et  quelquefois  lavage  stomacal. 


Nous  n’insisterons  pas  sur  le  traitement  des  précor- 
dialgies dues  à une  affection  du  cœur  ou  des  poumons  (pé- 
ricardite, pneumonie,  pleurésie).  Nous  avons  montré  que 
ces  douleurs  provenaient  d’une  névralgie  par  compression 
ou  par  propagation. 

Contre  l’élément  névralgique  en  général  les  moyens  sont 
variés  : Opium,  antipyrine,  cocaïne,  chloral,  paraldéhyde, 
sulfonal,  uréthane,  phénacétine,  belladone,  etc. 

Contre  les  douleurs  neurasthéniques,  l’électricité,  l’ai- 
mantation et  surtout  le  traitement  moral,  pourront  don- 
ner quelques  succès,  mais  d’une  façon  générale,  contre 


les  (Ionien l's  des  ncnrasLliéniqnes,  névralgies  et  snrlout 
algies  centrales,  la  Uiéraj)enli(|nc  est  à pen  près  complè- 
tement désarmée. 


* 

¥ ¥ 

Nous  tenons  maintenant  à prouver  par  quelques  obser-  • 
vations,  ce  que  nous  venons  d'exposer.  Nous  avons  résumé 
quelques-unes  de  nos  observations  personnelles  qui  nous 
ont  paru  les  plus  typiques.  Nous  en  avons  supprimé  un 
grand  nombre  de  celles  que  nous  avons  recueillies  à l’iiopi- 
lal  Bichat,  pour  ne  pas  étendre  outre  mesure  notre  travail. 

Sans  nous  dissimuler  les  imperfections  de  cette  étude 
sur  un  des  syndromes  simulateurs  des  affections  du  cœur 
qui  nous  a paru  des  plus  intéressants,  nous  serons  beu- 
reux  si  nous  avons  pu  arriver  à éclaircir  seulement  quel- 
ques points  de  la  question  séméiologique  que  nous  avons 
étudiée. 

Car  il  ne  faut  pas  être  trop  exclusif  en  médecine  et  sur- 
tout en  séméiologie.  Gomme  le  dit  M.  Potain,  « il  n’existe 
aucun  signe  pathognomonique,  aucun  signe  qui  révèle 
complètement  une  maladie.  Quand  nous  sommes  en  pos- 
session des  résultats  que  fournit  la  séméiotique  chez  un 
malade  déterminé,  il  nous  reste  en  effet  à établir  le  dia- 
gnostic complet,  et  c’est  là  la  grosse  difficulté.  Vous  pou- 
vez enfin  formuler  un  nom  de  maladie  mais,  ne  l’oubliez 
pas,  un  nom  ne  constitue  pas  un  diagnostic  et  c’est  ici 
que  les  véritables  difficultés  commencent  ». 


OBSERVATIONS 


Observation  I.  (A.  Web('r). 

Anfjini'  de  poitrine. 

M.  M....  âgé  (le  51  ans  a eu  une  attaque  de  rhumatisme  articulaire 
eu  1868.  Pendant  l'enfance  et  l’âge  mûr,  il  a ét(i  sujet  à des  migraines, 
qui  ont  disparu  depuis  3 ans,  ni  uricémie,  ni  gravelle.  Depuis  longtemps 
il  est  hémorrhoïdaire.  Il  y a 10  ans,  crises  de  gastralgie  assez  vives, 
survenant  tous  les  2 ou  3 mois.  A cette  époque  il  eut  des  coliques  hé- 
patiques frustes  (douleurs  atroces  au  côté  droit  pendant  4 à 5 minutes, 
sans  vomissements,  ni  jaunisses,  revenant  tous  les  10  jours.  Jamais  il 
n’avait  éprouvé  de  palpitations. 

Il  y a 2 ans,  il  commença  à ressentir  de  la  douleur  et  de  la  gène  au 
niveau  du  cœur,  des  battements  dans  le  cou,  des  vertiges,  des  lipothy- 
mies, puis  des  syncopes  incomplètes,  s’accompagnant  toujours  d’une 
douleur  violente  au  creux  de  l’estomac,  à tel  point  qu’il  se  croyait  près 
de  mourir.  L’an  dernier,  au  mois  de  janvier,  au  moment  de  se  coucher, 
il  est  pris  d’une  toux  très  vive  avec  étoull'einents  ; cet  accès  de  pseudo- 
asthme  dura  quelques  heures.  Il  eut  un  second  accès  en  septembre,  où 
la  toux  s’accompagna  de  hronchorrée  et  de  crachats  sanguinolents.  Il  y 
a 15  jours,  toujours  en  se  couchant  le  soir,  il  eut  une  crise  douloureuse 
avec  oppression,  toux  continuelle  et  expectoration. 

Aujourd’hui  D''  février,  il  éprouve  des  douleurs  continuelles  ; elles 
surviennent  soit  pendant  qu’il  esta  table,  soit  pendant  la  marche,  sous 
l'intluence  du  moindre  ellbrt,  quelquefois  spontanément,  surtout  la  nuit. 
Leur  siège  est  à la  partie  inlVirieure  du  sternum  et  du  côté  gauche  ; c’est 
une  sensation  de  consiriclion  reliant  les  2 seins,  avec  irradiations  dans 
les  2 bras,  surtout  à fiauche  jusqu’aux  2 petits  doifits.  Il  ressent  aussi  la 


— 88  — 


sciisalion  (ruiic  syncope  iniminonte.  La  durée  de  ces  crises  est  dequel- 
(|uos  inhiules.  Il  éprouve  une  géiic  continuelle  à la  région  cardiaque. 
Cette  douleur  siège  tellement  bas,  que  le  malade  a été  soigné  pour  une 
gastralgie  par  son  médecin,  et  qu’il  vient  me  consulter  pour  son  esto- 
mac. 

Il  ne  fume  pas,  ne  fait  abus  ni  de  thé,  ni  de  café. 

Matité  aorti((ue  do  6 centimètres.  Battements  artériels  du  cou,  pouls 
de  Corrigan,  second  foyer  de  battements  aortiques  à droite  du  sternum. 
Double  souflle  à la  base  du  cœur.  Il  n'existe  pas  de  douleurs  à la  près-, 
sion,  sur  le  trajet  des  nerfs  phréniques,  ni  nulle  part  ailleurs. 

Diagnostic.  — Ectasie  aortique.  Insuffisance  et  rétrécissement  aor- 
tiques. Hypertrophie  du  cœur.  Angor  pectoris  vrai. 

Traitement.  — lodure  de  potassium,  2 à 5 grammes  par  jour.  Ni- 
trite d’amyle.  Injection  de  morphine.  Pointes  de  feu.  Diète  sèche. 

28  février  1885.  — Matité  aortique  de  6 centimètres  3/4.  On  entend 
un  bruit  de  galop  manifeste.  Les  crises  sont  moindres  au  moment  des 
repas.  La  douleur  e.xiste  toujours  sur  une  ligne  qui  va  de  l’appendice 
xiphoïde  à la  ligne  mamelonaire.  L’effort  le  plus  faible,  un  mouvement, 
font  naître  l’oppression.  On  prescrit  3 grammes  d’iodure  par  jour. 

21  mars.  — Même  état.  Le  bruit  de  galop  persiste.  La  dose  d’iodure 
est  portée  à 5 grammes  par  jour.  Mouches  de  Milan.  Lait,  un  litre  et 
demi. 

5 mai.  — Pas  d’amélioration,  les  nuits  sont  mauvaises.  Le  malade 
est  pris  d’accès,  en  mangeant,  en  marchant,  même  pendant  son  som- 
meil ; souvent  il  est  pris  d’une  toux  sèche,  quoiqu’il  n’ait  pas  de  bron- 
chite. Seules  les  digestions  sont  bonnes. 

Matité  aortique  de  6 centimètres.  L’élévation  de  la  sous-clavière  est 
plus  prononcée,  le  pouls  est  fort,  vibrant,  le  bruit  de  galop  très  accen- 
tué. Les  urines  ne  renferment  pas  d’albumine. 

Le  traitement  ioduré  est  suspendu  pendant  une  quinzaine  de  jours. 
Mais  pendant  cet  intervalle,  le  malade  eut  des  crises  très  violentes, 
qui  ne  furent  calmées  que  par  le  nitrite  d’amyle.  Le  traitement  ioduré 
fut  repris  ensuite. 


— 89  — 


Observation  II  (Personnelle). 

Angine  de  poitrine. 

Madame  G....  4o  ans,  vient  à la  consultation  du  jeudi  à Bicliat,  le 
3 mars  1891. 

Mère  morte  à o7  ans  de  rhumatismes,  père  mort  paralytique  à o6  ans  ; 
sœur  rhumatisante. 

En  octobre  1890,  elle  a eu,  à 6 heure  1/2  du  soir,  après  son  repas, 
une  forte  crise  de  douleur  précordiale  qui  a duré  4 à o heures.  Depuis 
cette  douleur  a reparu,  surtout  quand  la  malade  monte  un  escalier. 
Presque  tous  les  soirs  elle  éprouve  une  légère  crise  en  se  mettant  au 
lit,  ou  en  allant  à la  garde-robe. 

Toujours  bien  réglée,  elle  a eu  il  y a quelques  jours  une  crise  noc- 
turne spontanée  (à  une  heure  du  matin)  coïncidant  avec  l’apparition  de 
ses  règles. 

A l’examen  : pas  de  souffle  au  cœur  ; léger  retentissement  diastoli- 
que à droite  du  sternum.  Pas  de  douleur  à la  pression. 

Diagnostic  : Augor  chez  une  artério-scléreuse  au  début. 

Traitement.  — lodure  (2  gr.)  trinitrine,  pointe  de  feu,  etc. 

Revue  le  ^ juin  1891,  la  malade  a moins  de  crises;  mais  celles-ci 
surviennent  toujours  sous  l’influence  de  la  marche,  surtout  après  les 
repas.  Pouls  fréquent  (à  120). 

Le  16  septembre  1891.  — Les  crises  sont  plus  rares  parce  qu’elle  les 
évite  en  marchant  lentement.  Elle  va  certainement  beaucoup  mieux. 
On  constate  cependant  quelques  faux  pas  du  cœur.  Pouls  fréquent.  Lé- 
ger prolongement  systolique.  Matité  aortique  = S centim. 

Le  10  novembre  1891.  — Les  crises  sont  encore  plus  rares,  mais  la 
malade  ne  peut  marcher  vite. 

Le  16  février  1892.  Les  crises  sont  devenues  beaucoup  plus  fré- 
quentes et  plus  fortes  depuis  quinze  jours.  Quelques  crises  spontanées 
la  nuit.  Tachycardie  (P.  136).  Tendance  à l’embryocardie.  La  malade 
est  très  fatiguée,  angoissée.  On  prescrit  le  nitrite  d’amyle  et  un  vésica- 
toire au  devant  du  cœur. 


— 00 


OiisEuvATioN  III  (Personnel le,  résumée). 

Angine  de  'poitrine. 

iM.  G...  54  ans,  vient  à la  consultation  du  jeudi  à l’hôpital  Bicliat  le 
23  novembre  1893:  Pas  d’antécédents  héréditaires.  Sa  mère  vit  encore 
(80  ans).  On  meurt  toujours  vieux  dans  su  famille.  Pas  de  p;outte,  un 
peu  de  rhumatismes. 

Il  se  plaint  d’une  douteur  qu’il  a éprouvée  à la  région  épigastrique, 
pour  la  première  fois  au  mois  d’avril  dernier.  Cette  douleur  survenait 
sous  l’inlluence  de  l’ellortou  d’une  marche  un  peu  rapide,  siégeait  vers 
le  milieu  du  sternum,  (douleur  rétro-sternale)  et  un  peu  à gauche,  avec 
irradiations  douloureuses  à l’épaule  gauche  et  à l’épaule  droite,  et  quel- 
(|uefois  jusque  dans  les  doigts  de  la  main  gauche. 

Les  efforts,  ractioii  de  se  mettre  au  lit,  provoquent  des  accès,  mais 
pas  de  crises  nocturnes  en  général. (Il  y a eu  deux  crises  nocturnes  qui 
ont  duré  chacune  un  quart  d’heure).  La  durée  des  accès  est  ordinaire- 
ment de  dix  minutes.  Le  malade  qui  a fumé  beaucoup  ne  fume  plus 
depuis  cinq  ans. 

11  a été  soigné  comme  gastralgique  pour  celte  affection. 

Le  pouls  gauche  est  plus  faible.  — A l’auscultation,  léger  souffle  sys- 
tolique et  surtout  diastolique. 

Le  malade  qui  vient  des  environs  de  Paris,  est  renvoyé  avec  le  dia- 
gnostic et  le  traitement.  Il  n’a  pas  été  revu. 

Observation  V (Personnelle). 

Angine  de  poitrine. 

R...  Jean,  âgé  de  66  ans. 

Pas  d’antécédents  héréditaires. 

Antécédents  personnels  : Variole  à 32  ans,  alcoolisme  habituel  ; mi- 
graine ; hémorrhoïdes  ; tendance  à l’obésité  jusqu’à  50  ans.  Depuis  le 
malade  a maigri. 

Son  métier  de  chapelier  l’oblige  à travailler  avec  le  mercure.  Les 


— 01 


gencives  ont  un  liseré  grisâtre  ; il  a ou  autrefois  des  coliifuos  violentes 
durant  17  jours,  mais,  liahituelleinent  il  ne  présente  aucun  trouble 
digestif.  — 11  a habité  longtemps  une  demeure  humide.  Séjour  do  9 mois 
sur  les  pontons  en  1872. 

Début  de  la  maladie,  il  y a d ans. 

Un  jour  en  marchant  chargé  d’un  panier  de  bouteilles,  il  est  pris  su- 
bitement d’une  douleur  dans  la  région  sternale,  avec  irradiation  dans  le 
bras  gauche,  et  vive  oppression,  mais  du  reste  sans  sentiment  d’angoisse 
bien  marqué.  Après  un  repos  de  quelques  minutes,  le  malade  peut  re- 
prendre sa  marche  sans  contrainte.  Depuis,  les  crises  se  sont  rappro- 
chées, et  ont  augmenté  d’intensité  pour  atteindre  leur  maximum,  il  y a 
environ  10  mois. 

Crises  caractérisées  par  une  douleur  occupant  la  zone  précordiale,  et 
péri-précordiale,  avec  irradiation  manifeste  dans  le  bras  gauche  ; mais 
cette  irradiation  est  nettement  limitée  au  coude  dont  elle  occupe  sur- 
tout la  région  olécranienne.  Elle  n’a'jamais  dépassé  le  coude  et  n’a  ja- 
mais atteint  les  deux  derniers  doigts  de  la  main.  Cette  douleur  du  coude 
s’accompagne  durant  les  crises  d’une  vive  sensation  de  froid.  Le  malade 
accuse  encore,  comme  irradiation,  une  douleur  très  vive  un  peu  en  de- 
hors de  la  colonne  vertébrale  au-dessus  de  la  pointe  de  l’omoplate  gau- 
che. 

La  douleur  n’est  pas  contractive.  Le  malade  la  compare  à une  sensa- 
tion de  fer  rouge  ou  de  déchirure  et  dit  n’avoir  jamais  eu  le  sentiment 
de  mort  imminente. 

La  douleur  s’accompagne  d’une  très  vive  oppression,  sans  cependant, 
comme  nous  le  disions,  aller  jusqu’à  l’angoisse  mortelle.  Pendant  la 
crise,  pâleur  excessive,  parfois  sensation  de  palpitations  subites. 

Causes  productrices  de  l’accès  : Marche  un  peu  rapide.  — Effort.  — 
Ascension  d’escaliers.  — Changements  de  temps.  — H y a un  an  le 
malade  a traversé  une  période  durant  laquelle  les  crises  survenaient  la 
nuit  sans  motif  suflisant  et  reveillaient  le  malade  endormi.  (Ou  trouve 
quelquefois  un  cauchemar  comme  cause  occasionnelle  de  ces  accès  noc- 
turnes, mais  cette  cause  est  loin  d’être  constante).  Héveillé  par  une 
crise,  le  malade  était  obligé,  pour  la  calmer,  de  s’asseoir  sur  une  chaise 


92 


prôs  (le  son  lit,  et  de  boire  une  infusion  de  thé.  Ces  crises  nocturnes 
ressemblaient  tout  à fait  à celles  ([u’il  avait  dans  le  jour. 

l)iir('(e  des  crises  : 2 à 9 minutes.  Elles  se  terminent  souvent  par  une 
transpiration  abondante. 

Dans  l’intervalle  des  crises,  très  bonne  santé,  pas  la  moindre  oppres- 
sion, ni  douleurs. 

11  y a un  an  le  malade  dit  avoir  eu  un  vertige  avec  perte  de  connais- 
sance d’un  quart  d’heure.  Ce  vertige  n’a  du  reste  pas  été  accompagné 
d’une  crise  de  douleur.  A ce  moment  le  malade  a été  soigné  en  ville 
par  l’iodure  de  potassium  durant  environ  4 mois.  Ce  traitement  l’amé- 
liore beaucoup,  plus  de  crises  nocturnes,  et  moins  de  crises  dans  la 
journée.  Il  cesse  le  traitement,  il  y a environ  8 mois  ; depuis,  les  crises 
nocturnes  n’ont  pas  reparu,  mais  elles  viennent  toujours  à l’occasion 
de  la  marche  et  des  efforts.  Il  entre  à l’hôpital  le  3 novembre  1892. 

Artério-sclérose  encore  peu  avancée  avec,  les  radiales  un  peu  dures, 
et  le  cœur  un  peu  sourd. 

On  peut  soupçonner  un  léger  souffle  à la  pointe.  Matité  cardiaque 
augmentée. 

Pollakiurie  nocturne,  légère  polyurie  (2  litres),  pas  d’albumine. 

Traitement  ; lodure  de  potassium  î\  la  dose  de  1 gramme  par  jour. 

Sort  le  12  novembre,  sans  avoir  eu  de  nouvelle  crise. 

Observation  VI  (Personnelle,  résumée). 

Forme  anormale  de  rAngor.. 

Mme  F...  47  ans,  n’a  pas  d’antécédents  notables.  Réglée  à 14  ans, 
elle  a encore  ses  époques  régulièrement. 

Il  y a un  an,  elle  s’est  aperçue  de  battements  des  artères  du  cou. 
Depuis  trois  ans  elle  éprouvait,  en  marchant,  une  sensation  de  cons- 
triction  de  la  gorge,  puis  la  sensation  s’étendit  jusqu’à  la  régiou  cardio- 
aortique, et  bientôt  jusqu’au  creux  de  l’estomac,  avec  sensation  de  pe- 
santeur du  bras  gauche. 

Chaque  fois  qu’elle  marche  un  peu  vite  elle  éprouve  la  même  sensa- 
tion angoissante  et  un  peu  d’oppression. 

A l’examen  on  constate  : battements  des  artèiœs  du  cou,  souflle  sys- 


— 93 


toli(iue  cl  (liastolique  à la  l)aso,  pouls  vibrant,  l’as  de  rlmmatisinc  ni 
de  goutte.  A éprouvé  de  violents  chagrins  il  y a vingt  ans.  — Traite- 
ment : lodure  et  laitage. 

La  malade,  revue  à la  consultation  de  l’hôpital  Bichat,  va  beaucoup 
mieux  depuis  deux  ans. 

Observation  Vil  (Personnelle).  , 

A ugine  de  poitrine  chez  un  épileptique. 

P.  R...,  gardien  de  la  paix,  entre  à l’hôpital  Bichat,  le  6 novembre 
1892. 

Père  mort  à 85  ans,  mère  morte  k 65  ans  sans  cause  connue,  quatre 
frères  morts  de  phthisie.  A perdu  deux  enfants  de  convulsions. 

A eu,  à l’âge  de  quinze  ans  des  accidents  épileptiques  avec  perte  de 
connaissance  complète,  sans  cependant  s’être  mordu  la  langue.  Traité 
par  le  bromure,  ces  accidents  ont  disparu  vers  l’âge  de  25  ans.  Il  a 
encore  qnelques  absences.  Pas  de  syphilis,  ni  d’alcoolisme. 

Depuis  trois  ans  éprouve,  sous  l’influence  de  la  marche,  ou  des  émo- 
tions, ou  en  montant  des  étages,  une  vive  douleur  au  creux  de  l’esto- 
mac avec  sensation  de  constriction  et  irradiation  dans  le  bras  gauche. 
Vive  angoisse  sous  l’influence  de  la  marche.  Il  dit  qu’il  préférerait  la 
mort  à la  douleur  ffu’il  éprouve.  Aussi  se  refuse-t-il  presque  à marcher. 
Son  médecin  lui  a donné  jnsqu’à  8 grammes  de  bromure  par  jour. 

Visage  pâle,  exprimant  la  souffrance,  pouls  fréquent  (130)  ; batte- 
ments des  artères  du  cou  ; Matité  aortique  6.  Retentissement  dias- 
tolique à, la  base. 

Diagnostic  ; Angine  de  poitrine  par  ârtério-sclérose. 

Traitement.  — lodure  de  potassium  2 grammes,  trinitrine,  pointes  de 
feu,  régime  lacté. 

Deux  jours  après  son  entrée,  le  malade  sort  de  l’hôpital,  et  nous  n’en 
avons  plus  entendu  parler. 


OiisuuvATioN  YIII  (ijcrsoiinelle;. 

Pscîulo-nngine  hystérique  chez  un  angineux  vrai. 

P.  L... . 46  ans,  comptable  entre  à la  salle  Pazin,  le  121  novembre  1863. 
Lit  n«  4. 

Père  mort  à 69  ans  de  maladie  aignè,  mère  morte  à 63  ans. 

Une  sœur  morte  du  croup. 

En  1870,  rbumalismc  articulaire  aigu  ayant  duré  o mois  sans  mani- 
festations cardiaques  appréciables.  Il  continua  son  service  militaire  jus- 
qu’en 1873  sans  ressentir  de  douleur  au  cœur.  Il  entra  comme  comp- 
table aux  magasins  du  Louvre  et  sa  santé  fut  excellente  jusqu’en  1889 
(août). 

A ce  moment  il  ressentit  des  éblouissements  survenant  sans  cause, 
avec  sensations  de  moucbes  volantes.  Il  n’interrompit  cependant  pas 
son  travail  jusqu’en  octobre,  où  il  dut  entrer  à l’bôpital  Broussais  dans 
le  service  du  D*'  Ghaullard.  Il  se  plaignait  de  palpitations,  d’éblouisse- 
ments. M.  Cbaulfard  diagnostiqua  insuffisance  et  rétrécissement  aorti- 
que et  le  traita  par  des  cautères.  Il  sortit  en  janvier  1890  très  amélioré. 

A ce  moment  il  perdit  sa  place  et  dut  faire  un  métier  pénible  l’obli- 
geant à marcher  toute  la  journée.  Malgré  ce  travail  exagéré,  il  ne  fut 
pas  obligé  de  s’arrêter,  se  plaignant  seulement  d’éblouissements  et  de 
sueurs  froides  survenant  sans  cause.  Pas  d’œdème  des  jambes. 

En  septembre  1893  il  ressent  dans  la  région  précordiale  une  douleur 
violente,  très  brusque,  semblable  à une  commotion  électrique,  sans 
angoisse.  Au  bout  do  2 minutes,  il  reprenait  sa  marche  sans  rien  d’a- 
normal. 

Huit  jours  après,  il  avait  une  nouvelle  crise  survenue  encore  pendant 
la  marche,  et  semblable  à la  première. 

Enfin  le  15  septembre,  toujours  en  marchant,  il  éprouve  une  crise 
beaucou])  plus  violente,  avec  angoisse  et  douleur  irradiée  au  bras  ; la 
douleur  fut  si  forte  qu’il  tomba,  sans  cependant  perdre  connaissance.  Il 
garda  le  repos  8 jours  sans  nouveaux  accidents,  mais  le  lendemain  du 
jour  où  il  reprenait  son  travail^  survenait  une  nouvelle  crise  pendant 


la  inarclie.  Cette  crise,  plus  violente  ([uo  les  précédentes,  caractérisée 
par  une  angoisse  extrême,  détermine  son  entrée  à l’iiôpital  Bicliat. 

27  septembre  1890.  — Depuis  quelques  jours  le  malade  avait  les  jam- 
bes enflées,  mais  le  jour  de  son  entrée  à riiôpital,  l’œdème  avait  disparu 
complètement.  Durant  son  séjour  à la  salle  Bazin, ‘il  n’a  pas  de  douleur 
violente,  mais  seulement  quelques  douleurs  fugitives  qui  surviennent 
spontanément.  Il  sort  amélioré  le  29  octobre  et  reprend  son  travail  sans 
avoir  d’accès  pendant  dix  jours.  Le  dix  novembre  survient  une  crise 
pendant  la  marche,  — le  lendemain  nouvelle  crise  dans  les  mêmes  con- 
ditions, — le  lendemain  encore,  pendant  que  le  malade  était  couché, 
nouvelle  crise  spontanée,  plus  forte  que  les  autres,  avec  irradiations 
dans  le  bras.  L’engourdissement  du  bras  persiste  cinq  ou  six  heures 
après  la  crise,  pendant  lesquelles  le  malade  ne  peut  faire  un  mouve- 
ment. 

Il  rentre  de  nouveau  à l’hôpital,  le  20  novembre.  L’aspect  général 
est  bon,  le  faciès  coloré.  Il  s’exprime  avec  une  certaine  animation,  et 
éveille  chez  les  observateurs  l’idée  d’une  névropathie. 

Pas  d’hypertrophie  du  cœur.  A l’auscultation  léger  souflle  systoly- 
que  et  souffle  diastolyque  très  net.  De  plus,  à la  pointe,  un  peu  en 
dedans,  dans  la  région  mésocardiaque,  bruit  de  râpe  systolique. 

Pouls  régulier,  pas  d’athérôme,  ni  de  dilatation  de  l’aorte. 

Hémianesthésie  du  bras  gauche,  et,  du  môme  côté  diminution,  de  la 
force  musculaire. 

A la  pression,  douleur  dans  les  2®  et  3®  espaces  intercostaux,  du  bord 
du  sternum  à la  ligne  intermamelonnaire,  le  maximum  étant  dans  le 
troisième  espace  au  niveau  du  mamelon.  La  région  de  la  pointe  n’est 
pas  douloureuse. 

La  dernière  crise  que  le  malade  a éprouvée,  a été  spontanée,  d’une 
durée  plus  longue  et  presque  aussi  angoissante  (jue  les  dernières.  Elle 
est  survenue  sans  avoir  été  provoquée  par  l’effort.  Le  diagnostic,  con- 
firmé par  M.  Huchard,  est  celui  de  pseudo-angine  hystéricjue  survenant 
chez  un  angineux  vrai.  Ce  malade  est  encore  en  traitement  à l’hôpital. 


ÜG 


Observation  IX  (personnelle). 

Arylhmie  cardiaque  et  accidents  pseudo-angineux  chez  une 
. névropathe  cardiaque. 

T....  Marguerite,  52  ans,  entre  salle  Louis,  le  29  mars  1892. 

Antécédents  héréditaires  ; Père  mort  à 53  ans  d’une  allectiou  aorti- 
que. Mère  morte  également  d’une  alTection  cardiaijiie.  Deux  frères,  dont 
l’un  est  mort  d’une  maladie  de  la  poitrine,  l’autre  d’une  maladie  du 
cœur.  Tous  les  membres  de  sa  famille  étaient  rliumatfsants. 

Antécédents  personnels.  — Elle  n’a  jamais  été  malade;  pendant  son 
enfance,  à l’âge  de  treize  ans  seulement,  au  moment  de  ses  premières 
règles,  elle  eut  de  violentes  palpitations  qui  ne  persistèrent  pas.  De- 
puis elle  a été  régulièrement  réglée.  Elle  n’a  jamais  eu  d’enfants.  A 
l’âge  de  28  ans,  elle  eut  une  fièvre  muqueuse.  Puis,  il  y a huit  ans, 
elle  contracta  une  bronchite,  qui  a tendance  à se  répéter  tous  les  hi- 
vers. 

Il  y a cinq  ans,  elle  contracta  un  rhumatisme  aigu,  pendant  lequel 
elle  n’accusa  pas  de  manifestations  cardiaques.  Elle  se  guérit  assez  ra- 
pidement. Mais,  peu  de  temps  après,  elle  éprouA'^a  des  malaises,  des 
crampes  d’estomac,  des  étoulï'ements,  des  battements  de  cœur,  accidents 
qui  se  sont  surtout  prononcés  depuis  18  mois,  et  qui  l’amènent  actuel- 
lement à l’hôpital.  Ces  divers  symptômes  ont  coïncidé,  à son  dire,  avec 
un  certain  degré  d’amaigrissement.  Ménopause  depuis  10  mois. 

Actuellement  la  malade  se  plaint  surtout  d’étouffements  et  de  palpi- 
tations. Elle  a des  accès  d’étoulTements  surtout  la  nuit,  et  le  moindre 
effort  l’essouffle.  Elle  a des  élancements  dans  le  cou  et  la  tête,  et  par- 
fois des  douleurs  qui,  parties  de  la  région  précordiale,  irradient  dans 
les  bras,  et  le  long  du  rachis  sans  déterminations  précises.  Lorsqu’elle 
est  longtemps  debout,  les  membres  inférieurs  s’œdématient.  Elle  a fré- 
quemment des  vertiges  et  des  étourdissements.  Le  sommeil  est  souvent 
troublé  par  la  dyspnée.  Elle  éprouve  parfois  des  phénomènes  de  syn- 
cope locale  à l’extrémité  des  doigts,  surtout  à droite. 

Les  fonctions  digestives  ne  sont  pas  troublées.  L’appétit  est  normal, 
la  digestion  satisfaisante  ; pas  d’albumine. 


% 


Les  symptômes  pulmonaires  sont  nuis. 

Enfin  celle  femme  est  d’un  tempérament  nerveux  et  facilement  im- 
pressionnable. 

Examen  du  cœur  : Le  choc  précordial  est  assez  intense.  — La  pointe 
n’est  pas  déplacée.  — Arythmie  cardiaque.  — Léger  prolongement 
diastolique  en  dehors  et  au  niveau  de  la  pointe,  sous  l’aisselle.  — Le 
pouls  est  assez  ample,  mais  arythmique  comme  le  cœur. 

Diagnostic.  — Celte  malade  est  très  prohahlemenl  atteinte  d’un  rétré- 
cissement mitral  ; mais  il  faut  sans  doute  faire  une  grande  part  dans 
ses  phénomènes  cardiaques  à son  étal  de  nervosisme. 

Traitement.  — Teinture  de  digitale,  XL  gouttes.  Repos. 

31  Mars.  — Les  douleurs  surviennent  à propos  de  rien  et  s’irradient 
dans  la  tète  et  les  bras,  sous  localisations  précises.  Sujet  très  nerveux. 
— Érythème  pudique  envahissant  la  partie  supérieure  du  thorax. 

En  s’appuyant  sur  le  caractère  des  douleurs,  l’absence  d’angoisse, 
leur  longue  durée,' on  arrive  cà  en  faire  des  douleurs  pseudo-angineuses, 
de  nature  nerveuse. 

Impulsion  du  cœur  très  forte.  Pouls  également  fort  inégal,  arythmi- 
que. Souffle  présystolique  très  léger  à la  pointe.  Battements  veineux  h 
la  hase  du  cou.  Pas  de  battements  artériels. 

Prescription.  — Bromure  de  potassium  4 grammes,  teinture  de  digi- 
tale X gouttes. 

1er  Avril.  — Le  souffle  présystolique  ne  s’entend  plus.  État  général 
comme  hier.  Prescriptions  semblables.  Urine  : 1000  grammes. 

2.  — La  malade  se  plaint  d’avoir  passé  une  nuit  agitée.  La  pression 
du  niveau  des  premiers  nerfs  intercostaux  et  des  nerfs  phréniques  est 
douloureuse.  Le  malade  se  plaint  de  crampes  dans  les  jambes,  qui  sont 
le  siège  de  varices.  Ces  varices  sont  peut-être  la  cause  de  l’œdème  des 
jambes. 

4.  — La  malade  a passé  une  bonne  nuit.  Son  cœur  est  plus  calme. 
Même  prescription.  U =:  1000* 

5.  — Grande  amélioration  dans  l’état  do  la  malade.  — Battements 
du  cœur  presque  normaux  ; très  peu  irréguliers.  — Respiration  facile. 
Sommeil  très  bon. 

11.  — Vésicatoire  à la  région  précordiale* 

CUEVILLOT  7 


— Ü8  — 


L’élal  (le  la  malade  s’anKMiore  progressivement. 

Il  ii’ya  plus  d’aryllimie  cardiaque. 

La  malade  sort  le  28  avril.  QueLpie  temps,  après,  (lc2o  mai)  elle  re- 
vient à la  consultation.  L’état  général  est  amélioré,  et  elle  se  considère 
comme  guérie. 

Le  bromure  de  potassium  paraît  avoir  joué  le  principal  rôle  dans  l’a- 
mélioration et  la  sédation  des  accidents. 

Obseuvation  X (personnelle,  résumée). 

Pseudo-amjine  syasmo-tabagique. 

M.  D....  59  ans,  ni  goutteux,  ni  rhumatisant,  ni  arthritique,  ni  al- 
coolique, est  grand  fumeur  (cigare  et  pipe).  Une  de  ses  sœurs  a eu  des 
accidents  angineux  ?. 

Il  y a 4 ans,  oppression  en  marchant. 

Il  y a 3 mois,  à 8 heures  du  matiu  sort  et  prend  froid.  En  rentrant 
chez  lui,  douleur  violente  sous  le  sternum,  qui  dure  toute  la  journée 
avec  irradiation  dans  le  hras  droit  ; douleur  sans  presque  d’angoisse. 

Depuis,  les  accès  se  sont  renouvelés  fréquemment  et  spontanément. 

Intermittences  cardiaques,  pouls  fort  et  vibrant,  rien  au  cœur  ; Em- 
physème pulmonaire,  tendance  à l’obésité. 

Diagnostic  : pseudo-angine  nicotique. 

L’iodure  de  potassium  et  la  suppression  du  tabac  amènent  la  guéri- 
son ; au  bout  de  deux  mois  les  accès  avaient  cessé.  Le  médecin  du  ma- 
lade avait  cru  à une  hypertrophie  du  cœur. 

i 

À 

Observation  XI  (Rendu). 

Dilatation  cardiaque  d'origine  gastrique,  portant  presque  exclusivement 

sur  le  cœur  droit  ; accès  d'angine  de  poitrine  unique,  sous  l'influence 

d’un  écart  de  régime.  Disparition  totale  de  l’accident  sous  l'influence  de 

la  diète  lactée. 

M.  Sch...  âgé  de  53  ans,  brasseur,  est  un  alsacien  robuste,  quia 
beaucoup  abusé  dans  sa  jeunesse  de  la  boisson,  et  qui  est  devenu  dys- 


99  — 


ï poétique.  Eu  1877,  je  le  vis  pour  la  première  Ibis  avec  (lel’ascih',  un 
P foie  congestiouué  et  volumineux,  de  l’auurie,  des  palpitations  cardia- 
le-: ques  ; le  cœur  battait  fortement,  d’une  manière  irrégulière;  il  y avait 
; un  souftle  tricuspidien  des  plus  nets,  et  du  gonllement  des  jugulaires, 
dépensai  tout  d’abord  qu’il  s’agissait  d’une  hypertrophie  du  cœur  avec 
cirrhose,  et  je  soumis  le  malade  au  régime  lacté.  Eu  très  peu  de  jours, 
, ' l’ascite  disparut,  une  diurèse  énorme  s’établit,  le  souille  triscuspidien 
; ■ s’alfaiblit  et  cessa  de  se  faire  entendre  ; seul  le  foie  persista  volumineux. 
! Il  fut  alors  évident  qu’il  s’agissait  d’une  dilatation  simple  du  cœur,  re- 
tentissant  de  préférence  sur  le  ventricule  droit  et  se  compliquant  de 
congestion  hépatique  et  rénale.  Pendant  les  années  1878  et  1879,  la 
jpy  santé  de  cet  bomme  se  maintint  excellente,  et  il  put  reprendre  une  vie 
i : active  et  laborieuse,  sans  conserver  autre  chose  qu’une  tendance  extrè- 
■i  ■ me  à la  congestion  du  foie  sous  rinlluence  du  moindre  écart  de  régime. 

' A plusieurs  reprises  j’assistai  à des  retours  de  dilatation  cardiaque  ca- 
; ractérisés  par  dyi  bruit  de  galop,  l’accentuation  du  deuxième  bruit  pul- 
: monaire,  un  so'ufile  tricuspidien  passager.  Toujours  des  purgatifs,  du 
A calomel,  une  petite  dose  de  digitale  et  le  régime  lacté  continué  pendant 
^ une  ou  deux  semaines,  avaient  raison  de  ces  accidents. 

' En  1880,  nouvelle  poussée  d’asystolie,  qui  dure  près  de  six  semaines 
: et  laisse  le  malade  affaibli  et  oppressé,  avec  persistance  du  bruit  dega- 
] ’ lop  du  cœur  droit.  Néanmoins  les  mêmes  remèdes  agissent  avec  leur 
j , efficacité  habituelle,  et  Sch...  put  reprendre  ses  occupations,  avec  l’o- 
• • bligation  stricte,  sous  peine  de  rechute,  d’être  d’une  sobriété  absolue. 

^ ’ L’hiver  de  1881  se  passe  sans  encombre,  avec  ([uelques  velléités  de 
'■  congestion  hépatique.  Au  mois  d’Avril,  le  malade  est  obligé  de  faire  un 
V voyage  d’affaires  en  Allemagne,  pendant  lequel  il  se  fatigue,  mange 
■ irrégulièrement  et  ne  boit  que  de  la  bière.  11  revient  <à  Paris  vers  le 
dix  mai  avec  une  teinte  subictérique,  la  jambe  et  le  ventre  enllés,  sans 
appétit,  avec  des  nausées  et  de  l’oppression.  Un  purgatif  drastique  d’eau- 
‘ de-vie  allemande  le  soulage,  et  au  bout  de  quehiues  jours,  son  appétit 
' reparaît,  mais  je  lui  fait  suivre  la  diète  lactée  rigoureusement  pendant 
une  semaine. 

Le  20  mai, .se  croyant  guéri,  il  se  fait  servir  un  plat  de  son  pays,  de 
la  choucroute.  A la  fin  du  repas,  sans  cause  connue,  il  est  tout  à coup 


— lOU  — 


envahi  par  une  douleur  atroce,  rjiii  occupe  les  deux  bras,  le  devant  de 
la  poitrine,  la  base  du  cou,  et  va  irradiant  jusqu’à  la  nuque.  En  même 
temps,  un  sentiment  d’angoisse  inexprimable  se  déclare,  sa  figure  est 
couverte  de  sueur,  il  lui  semble  qu’il  va  tomber  en  syncope.  Cet  état 
de  douleur  agonique  se  prolonge  plus  d’une  heure,  et  les  souiïrances 
des  bras  persistent  presque  toute  la  journée,  en  dépit  de  vomissements 
qui  surviennent  et  le  soulagent  notablement.  Le  soir,  grâce  à une  in- 
jection de  morpbine,  la  crise  est  calmée;  mais  la  constriction  thoraci- 
que se  fait  encore  sentir,  et  cette  angoisse  ne  cesse  que  le  lendemain 
dans  l’après-midi,  30  heures  après  le  début  des  accidents.  Le  malade 
purgé  de  nouveau  et  de  nouveau  soumis  au  régime  lacté,  n’a  jamais  vu 
depuis  reparaître  d’accès  semblable.  Ici,  la  cause  occasionnelle  a été 
bien  manifestement  une  indigestion,  et  pette  circonstance  provocatrice 
a été  d’autant  plus  iniluente,  qu’elle  s’adressait  à un  .sujet  dont  le  cœur 
avait  déjà  subi  à plusieurs  reprises  le  retentissement  d’une  alTection 
hépatique. 

Depuis  cette  époque,  je  n’ai  pas  cessé  de  suivre  M.  Scb...  Il  continue 
à passer  par  des  périodes  d’asystolip  passagère  quand  son  foie  se  con- 
gestionne de  nouveau,  et  que  ses  reins  cessent  de  fonctionner  aussi  ré- 
gulièrement ; ceci  se  produit  toujours  dans  les  voyages  qu’il  est  obligé 
d’entreprendre  en  Allemagne,  pour  faire  ses  achats  de  houblon.  Actuel- 
lement, en  1883,  la  congestion  hépatique  est  devenue  chronique,  et 
il  y a un  certain  degré  d’ascite  permanente,  même  quand  le  cœur  se 
contracte  bien  et  bat  régulièrement.  Malgré  cette  aggravation  des  lé- 
sions, jamais  l’angine  de  poitrine  ne  s’est  reproduite,  et  cette  immunité 
concorde  avec  l’intégrité  des  fonctions  digestives,  qui  ne  s’est  pas  dé- 
mentie un  seul  instant  depuis  lors. 

Observation  XII  (Rendu). 

Pseudo-angine  gastrique. 

A.  T...,  69  ans,  marchande  des  4 saisons,  atteinte  de  rhumatisme 
chronique  depuis  4 ans,  souffre  de  l’estomac  depuis  huit  jours  (nau- 
sées, vertiges,  anorexie,  etc.).  Avant  son  entrée  à l’hôpital,  elle  a eu 
deux  fois  des  accès  de  pseudo-angine  de  poitrine  caractérisés  par  une 


douliMii’  précoi'dinlc  intense,  avec  irradiations  dans  le  coté  gauclic  du  cou 
et  de  la  mâchoire,  ainsi  que  dans  les  deux  luenihrcs  supérieurs  ; cette 
douleur  s’accompagne  d’un  sentimeiil  de  plénitude  dans  la  poitrine  avec 
oppression  excessive.  A son  entrée  à riiô[)ital,  on  constate  les  signes 
évidents  d’une  dilatation  du  cœur  droit  (accentuation  du  deuxième  bruit 
pulmonaire,  bruit  de  galop  droit,  etc.):  pas  d’adhérence  artériel.  Foie 
normal. 

Un  jour,  la  malade,  après  avoir  avalé  une  tasse  de  bouillon,  est  prise 
d’un  accès  extrême  d’o[»pression  ; le  pouls  est  petit,  à peine  percepti- 
ble. Assise  sur  son  lit,  penchée  en  avant,  elle  se  plaint  d’une  sensation 
très  douloureuse  dans  la  région  sous-sternale  avec  irradiation  vers  le 
coté  gauche  du  cou  61  de  la  face,  qui  est  un  peu  cyanosée,  et  vers  les 
deux  membres  supérieurs.  Après  un  traitement  qui  a consisté  dans 
l’administration  d’un  vomitif,  d’un  purgatif,  du  régime  lacté,  d’amers 
et  d’eupeptiques,  la  malade  sort  guérie,  n’ayant  plus  éprouvé  que  deux 
fois  des  accès  fort  atténués  d’angoisse  pectorale. 


OnsEUVATiON  Xlll  (personnelle,  résumée). 

Pseudo-anfiine  d’oricjinc  (jastrique. 

P.  F...  37  ans,  est  envoyée  la  consultation  du  jeudi  à l’hôpital  Bicbat 
par  son  médecin.  Pas  d’antécédents  héréditaires.  A IPans  rhumatisme 
articulaire. 

Depuis  quatre  ans,  d’abord  beaucoup  de  renvois  gazeux  après  les 
repas,  puis  douleur  au  creux  de  l’estomac  avec({uelques  irradiations  en 
haut  et  en  bas.  Pas  d'angoissé  au  moment  des  crises. 

Il  y a 3 ans  et  demi,  pression  continue  au  creux  épigastrique,  puis 
douleur  au  devant  du  sternum,  à l’épaule  et  au  bras.  Les  deux  pre- 
mières crises  ont  eu  lieu  pendant  la  nuit  et  ont  duré  deux  heures. 

.Jamais  de  crises  pendant  la  marche  ; an  contraire  la  marche  le  soulage. 

A la  consultation  le  malade  a de  nombreuses  éructations.  Il  n’a  eu 
([ue  quatre  crises  en  tout;  la  dernière  la  veille  même,  <à  10  heures  du 
matin  sans  cause  ; (il  avait  pris  du  café  à 7 heures).  La  crise  ne  s’est 
terminée  .f|u’à  ([uatre  heures. 


— 102  — 

Douleur  eu  élan  au  creux  de  l'estomac  et  au  devant  du  sternum.  Pas 
d’irridiation  de  la  douleur. 

Hicn  à l’auscultation  : retentissement  diastolique  pulmonaire.  — 
Dilatation  stomacale.  Quelques  nodosités  plialangiennes. 

Diagnostic  : Pseudo-angor  d’origine  gastrique,  ectasie  gastrique. 

Le  traitement  gastrique  l’a  guéri,  ainsi  que  nous  l’a  écrit  son  mé- 
decin. 

Observation  XIV  (personnelle,  résumée). 

' Pseudo-angine  hgstérique. 

Mlle  J M....  19  ans,  malade  depuis  deux  ans.  Début  par  palpi- 

tations, puis  étoud'ements  avec  douleurs  au  niveau  du  cœur,  accès  de 
suflbcation,  sensation  de  boule  remontant  à la  gorge  et  l’étoulTant. 

Accès  spontanés,  jamais  en  marchant. 

Crises  durant  2 à 3 heures,  avec  irradiations  au  membre  supérieur 
gauche  et  commençant  au-dessus  do  la  pointe  du  cœur.  Quelques  crises 
nerveuses.  Pas  de  troubles  digestifs,  menstrues  irrégulières. 

P 128  (Tachycardie  nerveuse). 

Pendant  les  accès  on  observe  des  phénomènes  de  spasme  laryngé  et 
le  bras  gauche  devient  violacé. 

Anesthésie  épiglottique  complète,  anesthésie  de  la  conjonctive  ocu- 
laire, analgésie  en  plaque  des  membres.  Envies  de  pleurer  ; boule  hys- 
térique, ovarite  gauche. 

Diagnostic  : Pseudo-angor  hystérique. 

Traitement.  — Valérianate  d’ammoniaque,  douches  froides,  frictions 
sur  les  membres,  deux  gouttes  de  solution  de  trinitrine  matin  et  soir. 

Un  mois  après,  elle  allait  beaucoup  mieux. 


Observation  XV  (personnelle,  résumée). 

Pseudo-angine  neurasthénique . 

M.  D....  G , 41  ans,  a beaucoup  fumé  autrefois,  fume  beaucoup 

moins  depuis  trois  ans.  (Antécédents  héréditaires  rhumatisants  et  ner- 
veux). 


— 103  — 


Depuis  deux  nus  il  est  pris  fréquemment,  surtout  la  nuit,  vers  mi- 
nuit, d’une  doiileur  en  étau  siégeant  près  du  sternum,  et  durant  une 
lieure,  quelquefois  avec  irradiations  au  bras  gauclie.  Souvent  froid 
glacial,  tremblement,  etc. 

Digère  mal,  renvois  gazeux,  estomac  balloné  après  les  repas,  et  ce- 
pendant bon  appétit. 

Très  nerveux  et  impressionnable,  envies  de  pleurer  fréquentes. 

Après  les  accès  de  douleurs,  émission  d’urines  abondantes  et  clai- 
res. 

Les  accès  reviennent  par  séries  ; rien  pendant  un  mois  ; crises  quo- 
tidiennes pendant  huit  jours. 

Il  éprouve  à ce  moment  une  angoisse  atroce,  avec  crainte  de  la  mort. 
Il  craint  d’aller  en  cbemin  de  fer,  éprouve  de  subites  envies  d’uriner 
a l’esprit  très  inquiet. 

A eu  il  y a ciùq  ans  des  accidents  urinaires  pour  lesquels  on  l’a  sondé, 
et  qui  ont  cédé  à l’emploi  des  douches. 

Rien  au  cœur  ; léger  retentissement  diastolique. 

Diagiwstic.  — Pseudo-angor  neurasthénique  et  arthritique. 

Traitement  — Dirigé  contre  la  dyspnée  et  l’état  nerveux,  améliore 
les  accidents. 

Odservation  XVI  (dûe  à l’obligeance  de  M.  le  D‘'  Paul  Blocq, 
chef  des  travaux  pratiques  à la  Salpêtrière). 

Pseudo-angine  de  poitrine  neurasthénique. 

J’ai  vu  en  janvier  1890^  M.  D.  de  Y...  âgé  de  43  ans,  employé  dans 
les  bureaux  du  cbemin  de  fer,  se  plaignant  de  troubles  graves  qui  l’ont 
obligé  à. renoncer  à son  travail,  et  chez  qui  ses  proches  et  ses  amis  sup- 
posent non  seulement,  en  raison  des  accidents  auxquels  ils  ont  assisté, 
mais  encore,  eu  raison  des  plaintes  et  de  l’aspect  du  malade,  une  affec- 
tion des  plus  graves. 

Il  se  plaint  d’être  pris  depuis  plus  de  6 mois,  de  douleurs  précordiales 
avec  spasmes  et  étouffements,  survenant  par  accès  s’accompagnant  de 
sensation  de  froid  des  extrémités. 


un  ~ 


A l’e.xaiiKMi,  ou  ooiistalc  ijii’il  oxislc  d(‘  la  diirott*  dos  arlôres,  et  im 
Irôs  logei'  degré  do  dilalalioii  a()i  ti(|iie.  I^o  malade  avoue  du  rosie  des 
excès  alcooliques.  En  dehors  de  ces  signes  on  ne  constate  que  des  phé- 
nomènes nerveux. 

Le  malade  est  exlrêmemenl  frappé  de  ses  accidents.  11  est  profondé- 
ment déprimé,  parle  constamment  de  son  cœur  <[u’il  dit  congestionné, 
et  de  la  mort  subite  qui  le  menace.  Il  mange  peu  et  a maigri  depuis 
(|u'il  est  malade  de  7 kilogs.  Les  accès  le  prennent  tous  les  2 à 3 jours, 
et  le  laissent  plus  prostré  encore. 

Rien  à l’exploration  du  cœur.  Aucun  autre  signe,  en  dehors,  de  la 
dépression  générale,  des  préoccupations  hypochondriaques  et  des  accès 
de  douleur  précordiale  avec  spasmes  (dans  lesquels  il  ne  parait  pas 
cyanosé). 

Je  prescris  u]i  régime  hydrothérapique,  que  le  médecin  traitant 
refuse  d’appli(|uer,  craignant  dit-il,  dp  tuer  le  malade  à la  première 
douche.  Je  décide  alors  le  malade  à aller  <à  la  Salpêtrière,  ou  le  traite- 
ment lui  est  appliqué,  mais  quelques  jours  ensuite,  il  s’ennuie  et  de- 
mande sa  sortie.  Sur  mon  conseil  il  est  conduit  chez  des  parents  éloi- 
gnés en  Lorraine,  et  continue  à suivre  à Metz  un  traitement  identique. 

Actuellement  il  est  complètement  remis  de  ces  troubles,  et  depuis 
plus  de  18  mois  a repris  ses  occupations. 


OiiSEuv.wioN  XVll  (dùe  à M.  P.  Blocq). 

Pseudo-angine  de  poitrine  neurasthénique,  chez  une  hystérique 

ancienne. 

M.  1).,  figée  de  26  ans,  s’est  présentée  à ma  consultation  le  20  no- 
vembre 1891.  On  ne  peut  avoir  de  renseignements  sur  les  antécédents 
héréditaires. 

Antécédents  personiuds  : A soulïert  il  y a 4 ans  de  crises  de  petite 
hystérie  sans  perte  de  connaissance.  Crises  émotives  très  nettes  s’ac- 
compagnant de  contraction  passagère  dos  membres  du  côté  gauche. 

S’est  mariée  il  y a 2 ans  : a été  abandonnée  par  son  mari,  et  soulfre 
depuis  un  an  des  troubles  pour  lesquels  elle  demande  nos  soins. 


Elal  avliirl  : Ello  a tous  les  soirs,  |>orio(li(|uoineiil,  une  crise  caracté- 
risée par  (les  sensations  très  douloureuses  d’étreintes  dans  la  région 
précordiale,  avec  irradiations  dans  l’épaule  et  le  hras  gauche.  Cotte 
crise  s’accompagne  d’oppression  et  d’angoisse,  dure  de  1/4  à 1/2  heure. 
Dans  l’intervalle,  il  n’existe  aucun  trouble  cardiaipie. 

L’examen  montre,  du  w>té  du  système  nerveux  qu’il  existe  : de  la 
céphalée  eu  casque,  des  vertiges,  de  la  lassitude  continuelle  plus  accu- 
sée le  matin  au  réveil,  de  la  dyspepsie  llatulente.  On  constate  un  léger 
degré  d’hypoesthésie  du  côté  gauche,  vestige  de  l’orage  hystérique  an- 
cien. Tous  les  réflexes  sont  normaux. 

L’exploration  du  cœur  ne  dénote  rien  d’anormal.  Les  divers  acci- 
dents ont  cédé  au  traitement  moral,  aidé  des  pratiques  hydrothérapi- 
ques (enveloppement  dans  le  drap  trempé  d’eau  k 415°). 

Observation  XVllI  (personnelle,  résumée). 

Pseudo-angine  névralgique . 

Mme  P...,  34  ans,  n’a  jamais  eu  que  des  douleurs  vagues  sans  rhu- 
matismes ; pas  d’antécédents . 

Il  y a trois  ans,  a fait  une  chute  et  a été  soignée  pour  une  ovarite  ai- 
guë. Depuis,  éprouve  des  crises  nerveuses  avec  frissons,  douleur  rétro- 
sternale et  palpitations,  avec  assez  de  régularité  tous  les  soirs  au  mo- 
ment de  se  coucher.  Accès  d’étouffements  avec  douleur  précordiale, 
refroidissement  des  extrémités  pendant  plusieurs  heures,  mauvaise 
digestion  le  soir,  constipation,  dyspepsie  llatulente.  Tendance  à l’obé- 
sité depuis  trois  ans.  Envies  de  pleurer  fréquentes,  idées  noires.  Urines 
chargées  d’acide  urique.  Rien  au  cœur,  ni  à l’estomac  ; point  de  névral- 
gie intercostale  des  deux  côtés. 

Diagnostic.  — Névrose  cardiaque. 

Traitement.  — Valérianate  d’ammoniaque. 

Vésicatoires,  pilules  de  pancréatine,  massage.  Revue  deux  mois  après, 
elle  allait  mieux. 


OnsEnvATioN  XIX  (personnelle,  résumée). 

Pseudo-angine  névralgique. 

M.  L.  B.,  38  ans,  fume  peu,  après  avoir  beaucoup  fumé  autrefois,  pas 
de  sypliilis.  ' 

A soulfert  pour  la  première  fois  de  douleurs  au  cœur  il  y a o ou  G 
ans.  Depuis  plusieurs  jours  la  douleur  est  presque  continue,  et  diminue 
sous  l’influence  de  la  marche.  Pas  d’irradiation  aux  bras.  Il  a été  im- 
pressionné par  la  mort  d’un  de  ses  amis  qui  a succombé  <à  une  angine 
de  poitrine. 

Beaucoup  de  vertiges,  pas  de  migraines,  mais  douleurs  intercostales 
depuis  longtemps,  ayant  provoqué  des  crises  d’étouffements.  Arthriti- 
que et  nerveux. 

Diagnostic.  — Pseudo-angine  névralgique. 

Traitement.  — Antipyrine  (3  gr.)  pendant  8 jours  et  trinitrine. 

Bevue  un  mois  après,  son  état  quoique  un  peu  amélioré  est  sensible- 
ment le  même. 

Observation  XX  (Résumée.  — Foureur,  Revue  de  médecine,  1888). 

Péricardite  purulente.  — Douleur  angineuse. 

Femme  de  38  ans  sans  antécédents  pathologiques.  Il  y a deux  jours, 
vive  douleur  à la  région  épigastrique  et  derrière  le  sternum,  puis  dys- 
pnée, toux,  pouls  petit,  fréquent,  irrégulier,  angoisse  extrême,  défail. 
lance,  cyanose  des  lèvres,  syncopes,  meurt  avec  symptômes  aspln'^xi- 
ques.  On  a simplement  trouvé  matité  cardiaque,  notablement  augmentée  : 
demi  litre'de  liquide  purulent  et  verdâtre  dans  le  péricarde.  On  ne 
trouve  aucune  trace  de  suppuration  dans  aucun  autre  organe.  C’est 
donc  une  péricardite  purulente  primitive  (dùe  au  streptococcus  pyogè- 
nes). 

Cette  observation  peut  se  rapprocher  de  celle  que  rapporte  Ca- 
banis, {Œuvres  complètes,  Paris  1823),  qui  a -ouvert  le  corps  de  Mi- 
rabeau avec  \ icq  d’Azir.  Le  péricarde  contenait  du  pus.  11  est  mort 


do  pi'rioardito  purulonto  et  non  pas  do  pleurésie  diaphragmatique  com- 
me on  l’a  cru.  Il  éprouvait  des  douleurs  atroces  comme  une  « grillé  de 
for  * au  devant  du  sternum. 

Obseuv.vtion  XXI  (personnelle,  résumée). 

Névralgie  intercostale. 

M.  L....  60  ans,  ouvrier  typographe,  souiïre  depuis  36  ans  de  dou- 
leurs précordiales,  qui  surviennent  presque  continuellement.  Pas 
de  douleur  en  marchant,  ni  en  montant  les  escaliers.  Jamais  d’ir- 
radiation douloureuse  aux  bras.  Rien  au  cœur.  Douleur  à la  pression 
au  niveau  du  4®  espace  intercostal.  Rapidement  amélioré  par  le  stypage. 

Observation  XXII  (personnelle,  résumée). 

Névralgie  intercostale. 

M.  D...  2oans,  garçon  de  laboratoire,  se  plaint  d’une  douleur  per- 
sistante au  côté  gauche.  A eu  des  rhumatismes  articulaires  avec  dou- 
leurs vagues  qui  ne  l’ont  pas  obligé  à rester  au  lit. 

Douleurs  intercostales  à la  pression  au  niveau  de  3®,  4®  et  5®  espa- 
ces (malade  pâle  et  nerveux).  Guéri  par  les  douches  et  l’arsenic. 

Observation  XXIII  (personnelle). 

Coliques  hépatiqties  avec  douleur  précordiale. 

V....  Catherine,  âgée  de  31  ans  entre  à l’hôpital  Richat  le  21  octobre 
1891.  Elle  ne  peut  donner  aucun  renseignement  sur  ses  antécédents 
héréditaires.  Sa  mère  est  morte  âgée  ; son  père,  jeune,  par  suite  d’acci- 
dents. Elle  a un  frère  bien  portant.  (Une  paraît  y avoir  aucun  accident 
arthritique). 

Antécédents  personnels.  — Pas  de  maladie  dans  son  enfance.  — Fiè- 
vre typhoïde  en  1877.  — Ni  scrofule,  ni  syphilis,  ni  rachitisme. 

Après  sa  fièvre  typhoïde,  elle  eut  des  accès  de  durée  variable,  rémit- 
tents, survenant  surtout  dans  la  soirée,  rarement  le  matin,  d’intensité 
inégale;  céphalalgie  suivie  de  vomissements  glaireux,  mousseux,  sou- 
vent bilieux,  avec  pesanteur  dans  le  creux  épigastrique.  Leur  durée 


— 108 


pouvait  être  de  1 à ï jours  et  se  renouveler  3 à 't  fois  par  mois,  quel-  #■ 

(|uefois  devançant  les  époques,  d’autres  fois  survenant  aussitôt  après.  f 

Ces  accès  devinrent  peu  à peu  plus  rares,  et  ne  furent  jamais  suivis  ? 
d’ictère,  même  le  plus  léger. 

Pendant  ses  accès,  elle  n’a  aucun  goût  pour  la  nourriture  et  la  bois-  î; 
son,  qu’elle  vomit  d’ailleurs  aussitôt  après  leur  ingestion. 

N’a  jamais  pu  manger  de  graisse,  et  si  parfois  elle  en  mange,  elle  la  •’ 
rond  telle  que.  Pas  de  cliarcuterie,  elle  ne  peut  la  digérer.  — Souvent 
des  éructations  acides  ; coliques,  rarement  suivies  de  diarrhée,  car  la 
constipation  est  de  règle  chez  elle. 

Les  matières  fécales  sont  jaunes  et  sans  odeur  fétide. 

Pas  d’amertume  de  la  bouche.  ' 

Son  dernier  accès  eut  lieu,  il  y a 8 jours  au  moment  de  ses  époques  ; .j 
sensations  de  gêne,  pénible,  ballonnement  du  ventre,  pesa'ntenr  au  creux  '■'1 
épigastrique,  qui  s’exagère  cà  tous  les  mouvements,  surtout  de  la  mar- 
che  ; cette  sensation  de  gêne  s’accentue  surtout  après  le  repas.  H 

Ictère  assez  foncé  pour  la  première  fois.  Elle  a en  ce  moment  une 
douleur  au  bras  gauche,  au  niveau  du  biceps.  Cette  douleur  irradie 
dans  l’avant-bras  et  la  main,  la  région  deltoïdienne,  l’extrémité  infé-  _ ^ 
rieure  de  l’omoplate.  Ces  régions  sont  douloureuses,  surtout  à la  près-  p 
sion,  sans  qu’il  y ait  pour  cela  ni  gonflement,  ni  rougeur.  Ces  douleurs 
sont  très  vives  dans  le  bras,  dans  la  région  spléni({ue,  et  sous  le  mame- 
lon gauche.  . ; 

Les  mouvements  sont  pénibles.  ! ' 

Ces  douleurs,  d’abord  localisées  à gauche,  survinrent  à l’avant-bras  ’ 
droit  au  niveau  de  l’articulation  du  coude. 

Insomnie  fréquente,  courbature,  éblouissements. 

Urine.  — Teinte  brune  à rellet  verdâtre  avec  l’acide  nitrique,  la  colo- 
ration  passe  du  violet  au  rouge. 

Cœur.  — Le  droit  ne  parait  pas  sensiblement  hypertrophié.  — (Dé- 
doublement du  premier  bruit  avec  léger  souffle)  (?). 

Foie  peu  hypertrophié,  douloureux  à la  pression.  Traitement  ordi- 
naire des  coliques  hépatiques. 

La  malade  sort  guérie  quinze  jours  après,  il  persiste  encore  une  lé- 
gère douleur  à gauche. 


CONCLUSIONS 


I.  — Les  douleurs  de  la  région  du  cœur,  ou  « précor- 
dialgies  » peuvent  se  diviser  en  trois  classes,  d’après  leur 
pathogénie  : 

Douleurs  (douleurs  de  l’angine  de  poitrine 

vraie  ou  coroliarienne). 

2“  Douleurs  spontanées^  (douleurs  des  pseudo-angines  de 
poitrine,  ou,  pour  mieux  dire,  des  précordialgies  à forme 
angineuse)  qui  peuvent  se  subdiviser  elles-mêmes  en  qua- 
tre groupes, -d’après  l’origine  toxique,  hystérique,  neuras- 
thénique ou  centrale  de  la  maladie. 

3°  Douleurs  à la  fois  spontanées  et  provoquées  par  la 
pression, et  augmentant  sous  son  influence  (douleurs  de  la 
péricardite,  des  artérites,  des  névralgies  diaphragmati- 
que, intercostale,  mammaire  externe,  etc.;  de  la  phthisie, 
de  la  pneumonie,  de  la  pleurésie,  de  la  pleurodynie,  du 
zona,  des  fractures  de  côte,  du  rhumatisme  intercostal,  etc.  ; 
douleurs,  en  un  mot  plus  connues  sous  le  nom  de  points 
de  côté. 

II.  — La  précordialgie  de  l’angine  de  poitrine,  due  à la 
sclérose  coronaire  constitue  une  douleur  typique  : elle  est 
douloureuse,  angoissante  et  provoquée  par  l’effort.  Elle  ré^ 


pond  aux  (rois  lois  cliniques  qui  lui  oui  élé  assignées  par 
M.  Huchard  : 

1“  Toute  angine  de  poitrine  produite  par  un  effort  quel- 
conque, par  la  marche  rapide,  etc.,  est  une  angine  vraie  ; 

2®  Toute  angine  de  poitrine  se  produisant  spontanément, 
sans  l’intervention  d’un  acte  nécessitant  un  effort,  est  une 
angine  fausse; 

3°  Lorsqu’un  malade  ayant  des  crises  provoquées  par 
l’effort  en  a de  spontanées  pendant  la  nuit,  la  première 
loi  n’est  pas  en  défaut  : il  s’agit  toujours  d’un  angineux 
vrai. 

III.  — Les  précordialgiesdes  pseudo-angines  de  poitrine, 
d’origine  toxique,  hystérique,  neurasthénique  ou  centra- 
le, peuvent  s’observer  chez  des  angineux  vrais,  et  rentrent 
alors  dans  cette  catégorie,  ou  chez  des  malades  indemnes 
de  toute  lésion  des  coronaires. 

Dans  ce  dernier  cas  la  douleur  est  toujours  spontanée, 
parfois  angoissante,  et  peut,  en  certains  cas,  s’exagérer  à 
la  pression. 

IV.  — 11  peut  arriver  qu’un  angineux  vrai,  qui  en  même 
temps  est  atteint  d’hystérie  ou  de  neurasthénie,  présente 
des  accès  de  pseudo-angine  nerveuse  alternant  avec  des 
accès d’angor  vrai.  Le  diagnostic  est  plus  délicat  alors,  mais 
la  spontanéité  et  la  répétition  à heure  fixe  des  accès  ner- 
veux mettra  sur  la  voie. 

V.  — La  douleur  dans  les  ruptures  myocardiques  res- 
semble en  tous  points  h celle  de  l’angine  de  poitrine.  Il  en 


111 


est  parfois  de  même  des  ruptures  valvulaires  et  des  rup- 
tures des  piliers  du  cœur.  Mais  dans  ces  cas  extrêmement 
graves,  surtout  les  premiers,  le  diagnostic  est  presque 
toujours  impossible.  La  mort  qui  survient  subitement  ou 
rapidement  dans  la  plupart  des  cas,  ne  permet  pas  de  son- 
ger à le  faire. 

VI.  — Les  précordialgies  d’origine  névralgiques  sont 
toujours  provoquées  par  la  pression.  Lorsqu’il  s’agit  d’une 
névralgie  des  intercostaux,  du  phrénique  ou  du  mammaire, 
on  trouvera  les  points  douloureux  classiques. 

Les  symptômes  de  la  phtisie  pulmonaire,  de  la  pneumo- 
nie, de  la  pleurésie,  du  zona,  etc.,  mettront  sur  la  voie  du 
diagnostic,  quand  il  s’agira  de  points  de  côté  produits  par 
'■  cette  affection.  Au  reste  jamais  les  signes  de  la  douleur 
dans  ces  cas,  ne  peuvent  tromper  au  moins  le  médecin  et 
^ lui  faire  croire  à l’angor. 

4 

ia  VIL  — Les  maladies  du  cœur,  par  elles-mêmes,  sont 
indolentes.  Elles  ne  deviennent  douloureuses  que  par  cer- 
taines  complications  telles  que  coronarite,  péricardite, 
névrite  du  plexus  cardiaque  etc. 

VIH.  — Les  pseudo-palpitations  douloureuses  peuvent 
s’observer:  1“  chezles  cardiaques,  2°  chez  les  chlorotiques, 

. les  anémiques,  les  nerveux,  tous  ceux,  en  un  mot  chez  les- 
quelsla  pointe  vient  battre  contre  une  paroi  hypéresthésiée. 

IX.  — De  même  que  les  affections  du  cœur  peuvent 
s’accompagner  de  douleurs  nerveuses  siégeant  dans  les 


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nerfs  de  la  région  précordiale,  et  inlluer  sur  la  production 
de  ces  douleurs,  de  même  les  douleurs  de  la  région  précor- 
diale, peuvent  influer  sur  le  cœur  et  produire  une  hyper- 
trophie cardiaque  à la  suite  d’une  névralgie  du  membre 
supérieur  (Potain). 

X.  — Les  précordialgies,  suivant  la  cause  à laquelle  elles 
sont  dûes,  réclament  chacune  le  traitement  de  cetle  cause 
elle-même. 


lmp.  G.  GaiiU-Aubin  ei  Tliorcnoi.  Sainl-Dixier  (Haute-Marne) 30,  passage  VenIcaUj  Pans.